Tinghir - Imilchil
16 octobre
Voilà, nous y sommes, environ dix jours après notre brève rencontre sur le Ferry nous menant au Maroc, des dizaines de SMS et quelques rendez-vous manqués, David le motard teuton et moi-même, le conn*rd bionique franchouillard, allons rouler ensemble...
Blitzkrieg !!!
Blitzkrieg !!!
Tout un programme. |
Je tiens tout de même à préciser que la première et dernière fois que j'ai roulé avec quelqu'un lors d'un voyage, ma moto s'est retrouvée à faire une séance d'apnée sous un mètre d'eau lors d'une vaine tentative de franchissement d'une rivière de plus de cinquante mètres de large. (lien : A la recherche du précieux).
Je dis ça, je dis rien.
En conséquence, j'appréhende un peu l'émulation potentielle qui pourrait se créer entre nous en terme de n'importe quoi.
J'en ai bien peur. |
On va tous mourir, cela est certain, mais ce ne sera pas pour aujourd'hui.
Déception pour vous chers lecteurs, je le conçois bien !
Mais je vous rassure tout de suite, pour ce qui est de prendre un rendez-vous avec la mort, il faudra juste attendre trois jours. Heureusement pour moi, la grande faucheuse a apparemment préféré aller faire un tour à la plage ce jour-là...
Je l'ai vu sur son Insta ! * |
Mais je m'égare, ce n'est pas (encore) le moment d'en parler...
Revenons à la guerre éclaire qui se prépare avec David !
A peine sorti de Taroudant, nous allons subir un tir de barrage en provenance d'un régiment de touristes chinois. Enfin, surtout de touristes chinoises...
L'adversaire est hostile, et fait preuve d'une sauvagerie inhumaine. Heureusement, David se sacrifie et monte au front.
Hostile. |
Très hostile ! |
Mais si ces belliqueux touristes sont aussi nombreux - une grande première depuis mon arrivée au Maroc - c'est aussi que l'endroit offre un beau panorama sur la ville de Taroudant.
Et sur le désert qui l'entoure...
Egalement en mode touriste, David et moi nous dirigerons vers les gorges de la Todra...
Un endroit assez impressionnant, mais où les cars des tours opérateurs sont décidément bien trop nombreux. Nous ne nous attardons pas et reprenons notre chemin là où le transport de bétail les dits cars de touristes ne peuvent poursuivre leur chemin.
On est quand même mieux ici... |
La guerre éclaire se transforme en une balade au rythme de sénateur. Il faut dire qu'aujourd'hui est le jour "off" de David, et que je n'ai moi-même pas une folle envie de plier la moto en une vaine tentative de lui prouver à quel point je peux faire n'importe quoi.
Quelques kilomètres encore, et nous voilà attablé à la terrasse d'un petit boui-boui, afin de boire le thé et de faire plus ample connaissance.
Dans un cadre moche, bien évidemment. |
David a vingt-neuf ans, bientôt trente-deux, et s'il n'en ait pas à son premier voyage, son expérience n'est pas bien grande non plus. Le voilà pourtant là, à sillonner les pistes du Maroc seul, pendant trois semaines...
Respect !
Wesh. |
Mais chassez le naturel...
Et il revient au galop ! |
La théïne qui monte au cerveau, un croisement, une piste, un regard, quelques signes, et nous voilà donc hors du bitume ! Une petite sortie du bitume qui commencera par une énorme...que dis-je ? Une dantesque session de pose de conn*rd !
David est jeune, il lui fallait bien une petite démonstration d'un aïeul plus expérimenté...
Best. |
Photos. |
De. |
Connard. |
Ever. |
Non, mais dites le moi sérieusement, chers lecteurs, chères lectrices...
C'est pas la classe ? |
Suite à cette session photo nous irons nous enfoncer de quelques kilomètres dans les terres, en direction des montagnes. Comme à l'habitude, les paysages sont douloureux à voir, les rétines se fissurent, le temps est exécrable, la rocade bordelaise me manque.
Quoique, au niveau de la météo, le temps commence à se gâter. Les pistes se font également plus difficiles à mesure que nous prenons de l'altitude. Et les motos commencent à nous secouer significativement à la faveur des pierres et des rochers qui affleurent à la surface des chemins...
J'ouvre la marche, David me suit, je rince gentiment la poignée droite sans excès comme un conn*rd. Et c'est à la pause suivante que David me gratifiera d'un :
"You drive fast".
Je ne vous fais pas l’affront de traduire.
A cette phrase, j'enclenche un de mes mode préféré, celui de la fausse modestie :
"Oui, mais non, tu sais, ça va tout seul avec cette moto, je suis un poireau tu vois, bla, bla, bla, bla..."
Si peu, si peu. Hou, hou, hou. |
Pourtant au fond de moi, quelque part dans la partie reptilienne de ce cerveau que je devrais normalement avoir moi aussi, comme tout être humain, même si on peut avoir de sérieux doutes...bref, ce cerveau reptilien, cet amas de neurones primitif qui voudrait que je sois un homme dominant n'ayant aucun goût pour les sacs à mains et les chaussures à talon, lui, il pense tout autrement :
"JE LUI AI POURRI LA GUEULE AU BOCHE AVEC SA POUBELLE ORANGE !!!"
POWAAAAA !!!!! |
Note : je suis pas mal aussi avec des cheveux, non ?
Cette pathétique et croquignolesque...
Je disais donc, cette pathétique et croquignolesque montée de téstostérone visant à compenser un large ensemble de choses, que je ne détaillerais pas ici, sera calmée par les nuages qui commencent à s'amonceller dangereusement. Le ciel s'assombrit, les premières gouttes tombent, et ni David ni moi n'avons une quelconque envie de faire mumuse dans des pistes boueuses. Nous rejoignons donc rapidement la route.
C'est ici que nous nous quitterons, sains et saufs, après une belle matinée de conduite tout en détente et en raison. David rentre à Taroudant se reposer, et moi, je ne sais pas encore...
Nous ne manquerons pas, bien évidemment, de nous faire quelques bisous et autres léchouilles plus ou moins polies en guise d'adieu !
Oui, oui...Croquignolesque. |
Je disais donc, cette pathétique et croquignolesque montée de téstostérone visant à compenser un large ensemble de choses, que je ne détaillerais pas ici, sera calmée par les nuages qui commencent à s'amonceller dangereusement. Le ciel s'assombrit, les premières gouttes tombent, et ni David ni moi n'avons une quelconque envie de faire mumuse dans des pistes boueuses. Nous rejoignons donc rapidement la route.
C'est ici que nous nous quitterons, sains et saufs, après une belle matinée de conduite tout en détente et en raison. David rentre à Taroudant se reposer, et moi, je ne sais pas encore...
Nous ne manquerons pas, bien évidemment, de nous faire quelques bisous et autres léchouilles plus ou moins polies en guise d'adieu !
Hou qu'ils sont contents ! |
Bonne route compagnon d'un jour ! |
Me voici alors seul sur le bord de cette route. Je soupir en regardant le ciel et ses nuages noirs. Je ne sais pas trop où aller. Dormir ici ? Continuer ma route vers les gorges du Dadès ?
Je suis fatigué, et la pluie tombe.
Quant alors un vieil homme s'approche de moi, et en quelques signes me propose de venir m'abriter avec ma moto un peu plus loin. Ma moto est très bien où elle est, quant à moi je ne refuse pas un instant de repos au sec le temps de décider de la suite de ma journée.
Il m'invite chez lui.
Une grande bâche trouée ça et là, une structure de fortune faite de bois, des tabourets en plastiques, et dans le fond un grand drap posé à même le sol, orné de quelques coussins poussiéreux. Autrement dit, ce vieil homme ne possède pas grand chose, et pourtant il va m'accueillir comme un ami.
Il me propose de m'installer, pendant qu'un membre de sa famille prépare quelques brochettes de mouton.
Je suis fatigué, et la pluie tombe.
Quant alors un vieil homme s'approche de moi, et en quelques signes me propose de venir m'abriter avec ma moto un peu plus loin. Ma moto est très bien où elle est, quant à moi je ne refuse pas un instant de repos au sec le temps de décider de la suite de ma journée.
Il m'invite chez lui.
Une grande bâche trouée ça et là, une structure de fortune faite de bois, des tabourets en plastiques, et dans le fond un grand drap posé à même le sol, orné de quelques coussins poussiéreux. Autrement dit, ce vieil homme ne possède pas grand chose, et pourtant il va m'accueillir comme un ami.
Il me propose de m'installer, pendant qu'un membre de sa famille prépare quelques brochettes de mouton.
Les brochettes cuisent maintenant sur un grill de fortune, lui aussi, et la fumée de la graisse qui coule sur les braises envahit doucement la tente pendant que la pluie bas son plein. Le vieil homme rince succintement quelques verres, et commence à préparer le thé...
Rien qu'à observer la dose de sucre qu'il met dans cette petite théière, je faillis déclarer instantanément un diabète de type 2...mais ce n'est pas le sujet ni même la préoccupation du jour.
Au fur et à mesure que le temps s'écoule, et celui-ci me semble un peu suspendu, quelques personnes arrivent pour profiter des brochettes. L'un d'eux parle français relativement bien ce qui permettra d'avoir un minimum d'échanges, et surtout de pouvoir remercier chaleureusement ces personnes qui m'invitent dans leur quotidien.
Le thé est surement le meilleur que j'ai pu boire de ma vie, et les brochettes ne sont pas en reste. Cela faisait très longtemps que je n'avais pas mangé de viande, mais je n'allais tout de même pas décliner cette offre sous prétexte que le privilégié que je suis a quelques convictions qui le poussent à ne pas en manger dans sa vie de tous les jours...Cela n'aurait eu aucun sens et n'aurait été qu'impolitesse !
Ces personnes n'avaient presque rien, et m'ont invité chez elles en me donnant tout ce qu'elles avaient. Et cela marque l'esprit...
Le voyageur bourgeois qui prend concrétement concience de son statut et qui expérimente une sorte de révélation humaniste, en allant voyager et en rencontrant des gens qui sont à mille lieux de sa situation, c'est très cliché. Mais tout cliché est basé sur une large part de vérité.
Et ce voyage au Maroc pousse grandement à la réflexion, à une somme écrasante de réflexions. Je repense à tous ces gamins croisés sur la route qui grapillent gentiment ce qu'ils peuvent, ceux qui m'ont suivi sur un marché en ésperant que je leur achète quelque chose à manger, d'autres qui jouaient dans la poussière des ruelles d'un village semblant d'une autre époque et coupé du monde.
Et je repense surtout à ces deux enfants croisés en une fin d'après-midi épique, au sortir d'une piste. Ils ne devaient même pas avoir dix ans, peut-être même juste cinq ou six. Surement des enfants de bergers étant donné les troupeaux à quelques pas. Ils me faisaient des signes pour que je m'arrête, comme beaucoup d'autres. Ils étaient sales, comme aucun avant eux. Mais ce jour là, ce qu'ils voulaient était des plus simple à comprendre : ils voulaient de l'eau.
Bordel, ils avaient juste soif.
Toutes ces rencontres qui se cumulent font profondément réflechir à notre réalité quotidienne, ici en France, pays de râleurs patentés selon, là aussi, quelques clichés surement pas totalement infondés. Quand je repense à ce vieil homme si généreux, à Mo le héros en mobylette, à tous ces enfants du Maroc oublié, je ne peux plus concevoir, ni accepter dans ma vie une chose précise : se plaindre bien confortablement dans son canapé, un PC sur ses genoux, la télé en marche, avec de l'eau dans les canalisations et un frigo plein, tout en ne faisant strictement rien ni pour soi ni pour son prochain, à part se plaindre.
Plus jamais.
Que cela vienne de moi, ou des autres.
Cette prise de conscience si forte, même si elle ne se base que sur un tout petit bout de notre réalité, seul le voyage peut nous l'offrir. Seule la confrontation directe avec cette part de réalité peut nous faire comprendre certaines choses, loin des fantasmes, dans toute la compléxité de l'existence. Car là est aussi un point troublant : tous ces gens que j'ai croisé avaient dans leur regard plus de joie, de gentillesse et de respect que bien des gens qui ont "tout", peut-être moi le premier.
Et ça aussi, ça m'a foutu une claque, fait vaciller quelques certitudes, mais a grandement conforté un état d'esprit qui se développe chez moi au fil des voyages et des années, notamment par rapport à cette société de consommation qui m'insupporte et me donne de plus en plus la gerbe...
"C'est cliché tout cela", vous dites-vous peut-être ?
Je vous donne bien raison, mais allez voyager hors des sentiers battus si vous avez la chance de le pouvoir, et vous verrez bien. On en recausera après.
Voilà, bref...Passons.
Et revenons à mes brochettes de moutons. Il n'y en aura pas une, pas deux mais trois. Tout cela accompagné du pain local et copieusement arrosé d'un thé presque sirupeux ! Un régal !
En guise de remerciements, je leur donne tout ce que je peux : gateaux, cigarettes, briquets. Ils fument tous comme des pompiers, au moins je suis certain que cela leur sera utile !
Il est temps maintenant de reprendre mon chemin. Ma décision est prise, ce soir je vais dormir à Imilchil, au pied de la piste qui me ménera le lendemain dans les gorges du Dadès.
Quelques franches poignées de main plus tard, me voici sur la route, bravant une fine pluie...
Le ciel se dégage alors que me voilà engagé sur une longue ligne droite.
Une longue ligne droite propice à la réflexion. A une réflexion non seulement sur ce que je suis en train de vivre au Maroc mais aussi sur une situation plus personnelle, bien que tout soit lié. Le voyage solitaire, propice à l'introspection, permet de prendre du recul sur le quotidien, de se recentrer sur soi tout en s'ouvrant au monde, de démêler bien des choses.
Et je commence à y voir plus clair, à la faveur des jours qui passent ici, des rencontres et des kilomètres parcourus. Je le sais maintenant, tout du moins j'en suis presque certain, mon retour du Maroc marquera aussi la fin d'une autre aventure, une aventure intense de trois ans écrite à quatre mains, mais qui doit maintenant se finir.
Et je commence à y voir plus clair, à la faveur des jours qui passent ici, des rencontres et des kilomètres parcourus. Je le sais maintenant, tout du moins j'en suis presque certain, mon retour du Maroc marquera aussi la fin d'une autre aventure, une aventure intense de trois ans écrite à quatre mains, mais qui doit maintenant se finir.
Et ça, ce n'est jamais facile à appréhender, et encore moins à accepter même quand on comprend que c'est la seule issue possible.
Alors le long de cette grande ligne droite, je vais m'arrêter pendant une longue heure durant laquelle mes pensées vont se perdre quelque part entre ces montagnes et ce désert. Une heure que je sais déjà charnière dans ma vie et c'est pourquoi je me forcerai à en faire une photo. Pour en garder le souvenir.
Et parce que j'aime aussi faire des poses de conn*rd, ne soyons pas hypocrite. |
En fait, ce jour-là, le Blitzkrieg, la guerre éclaire, elle ne fut pas sur la route mais bien dans mon esprit. Et les ruines continueront à fumer pendant de nombreux mois, jusqu'à qu'une vaste opération de (re)construction s'opère.
La journée se finira par une longue balade dans des superbes paysages dégueulasses, encore une fois...
Une fois arrivé à Imilchil, je vais trouver une petite maison d'hôte tenue par un charmant couple de jeunes sportifs adeptent de la course à pied. Ma moto dormira au sec avec les poules, et moi, dans une chambre au confort rustique mais des plus appréciable.
Pour la première fois depuis que je suis au Maroc, il fait froid. Il fait même très froid, je vais me rouler dans une épaisse couette. Et pour la première fois depuis que je suis au Maroc je vais dormir comme un bébé.
S'il laissera des traces encore longtemps, le Blitzkrieg est fini.
S'il laissera des traces encore longtemps, le Blitzkrieg est fini.
Place maintenant au seul endroit touristique que je voulais vraiment voir en partant au Maroc :
Les gorges du Dadès !
A suivre...
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*Le compte instagram de la grande faucheuse en vacance :
C'est malin maintenant je pense au Maroc sans arrêt 😁
RépondreSupprimerToujours au top et les paragraphes sur ton introspection lors du repas et de la ligne droite, je la vis régulièrement quand je pars au large. C'en est limite émouvant tiens. ;-)
RépondreSupprimerce qui est marrant c'est que sur ton paragraphe sur les enfants et les gens sur place ça ma fait le même ressenti au début tu as comme un moment d agacement a se que les gamins viennent tout le temps réclamer mais après au final tu t'y habitue et discute avec eux et je me rappelle dans un village après le col de belkacem d un enfant de 10-11 ans qui vient me parler et me disait moi j aime pas demander de l argent au gens je préfère discuter avec eux pour apprendre a les connaitre ( une belle claque dans la gueule a ce moment la... )
RépondreSupprimeren tous cas c'est vraiment un pays troublant ou les gens sont sympas et au final très ouverts d esprits !!!
peut être plus que dans le notre en tout cas
Je n'ai jamais été agacé personnellement, tout au plus c'est déstabilisant au début.
SupprimerOn débarque avec des motos et un equipement qui vaut plus que ce que ces gamins auront peut-être dans leurs vie entière. Il me semble légitime qu'ils essaient de grapiller ce qu'ils peuvent. Et effectivement, quelques sourires, quelques mots, des bonbons, et il en ressort des moments et des rencontres fortes !
En tout cas c'est mon point de vue.
En plus les marocains, s'ils essaient toujours de te vendre un truc en première intention, t'aident toujours en te donnant des bons plans, ou t'offre le thé, même si t'achète rien !
Ma première foi au Maroc était en 1987, à moto aussi ... Je quittai l'Algérie pour remonter vers l'Espagne ... Depuis, j'y suis retourné plus de 15 fois ... La pays change, les gens aussi, mais cela reste un des peuple des plus accueillant qu'il m'ait été donné de rencontrer ... Mich'
RépondreSupprimerJe te corrige. L'endroit offre un beau panorama sur la ville de Tinghire et non pas Taroudant qui est a 400 km de la ou tu trouve en ce moment.
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