jeudi 29 décembre 2016

Ma vie de motard (1/2)


Il n'y a pas longtemps, alors que j'arpentais quelques chemins sur mon tromblon de luxe avec un gros sourire aux lèvres, une idée me traversa l'esprit : 

"Et si je publiais un test de l'Africa Twin?"

Avec son bicylindre en ligne, ses doubles suspensions à percussions quantiques, ses jantes en adamentium, son tableau de bord nucléaire et ses durites en pierre de lune, je me disais que ma grosse sauterelle méritait bien un article à elle toute seule.

Parce qu'elle le vaut bien... #PoseDeConnard #Expert

Ce jour là j'ai pris conscience que cette moto était en train de m'ouvrir à de nouveaux horizons, qu'elle était en train de finir de changer ma vision de la pratique moto, et écrire un test me paraissait une bien bonne idée...non?

Bah, non.

Une idée complètement conne, même, puisque la moto et moi, ça fait douze. Je sais à peine ce qu'est un cylindre, j'ai appris ce qu'est une durite il y a six mois et que je n'ai toujours pas compris comment on passe les vitesses.

D'ailleurs, la moto et moi, ce n'est pas une histoire qui allait de soi, pas du tout. Et je me demande presque chaque jour comment j'en suis arrivé "là".

"Là", ce sont les voyages, les sorties, les balades, ce blog, et surtout ce besoin viscérale de rouler.

Une question d'opportunités et de hasard, saupoudrés d'un soupçon de volonté, sans doute, comme beaucoup de choses dans la vie.

Je n'ai jamais vraiment eu envie de faire de la moto, je devais aussi me dire inconsciemment que ce n'était pas pour moi, n'ayant pas eu une éducation promouvant à outrance l'instinct d'aventure et la prise de risque. Bien sûr, de temps en temps, je regardais les kékés arborant le combo full cuir / visière fumée / roadster avec une pointe de curiosité. 

Mais rien de plus. Quoique...

Je me rappelle qu'en 2008 je m'étais vaguement renseigné sur internet pour savoir si on pouvait passer son permis moto en étant sourd. Comme souvent, c'est ceux qui n'y connaissaient rien qui se sont fait le plus entendre - si j'ose dire, hou, hou, hou, et leur verdict était sans appel : "c'est trop dangereux", "tu ne pourras pas passer les examens", etc, etc...
J'ai donc vite sorti cette idée de mon esprit, d'autant qu'à cette époque j'étais thésard, avec ce que cela induit en terme de finance et de temps disponible. 

Bref...passons.

Nous voilà à l'été 2011. Les études sont derrières moi, je viens de décrocher mon premier poste à Bordeaux, je me suis séparé de ma compagne et je me retrouve donc seul, sourd, dans une ville où je ne connais rien, ni personne. Une période peu évidente qui m'a renvoyé en pleine gueule mon handicap, alors que jusque là j'avais toujours à mes côtés des personnes me connaissant, sachant se faire comprendre, faisant attention à leur élocution et me servant de "traducteur" avec les gens inconnus.

Donc, en gros, c'était quand même un peu la merde, pour rester poli.

Mais dans un sursaut comportementale finalement proche de l'instinct de survie, une des voix dans ma tête me chuchota alors une idée à la con :

"Fais un truc qui n'est pas pour toi, lâche toi un peu : passe ton permis moto".

Rien que ça.

Il faut dire qu'à cette époque, la moto, j'en rêvais beaucoup. Je veux dire, je n'en avais pas plus envie qu'avant, mais j'en rêvais vraiment, la nuit en dormant.

Gné.

Vous avez bien saisi, je me suis lancé dans mon permis parce que mon esprit malade m'emmenait chaque nuit, ou presque, sur des motos avec des roues de deux mètres de diamètres, glissant sur des routes en herbe alors que je tentais d'échapper à une horde belliqueuse de poulpes géants bulgares. Ou Hongrois, je ne sais plus, il faudra que je leur demande la prochaine fois.

Salut, moi c'est Adrian, 29 ans, bientôt 32. Et je n'ai aucun problème de santé mentale.
(Source: affiche du flim "Bernie")

Alors pour ne pas mourir idiot, pour savoir ce que cela faisait de poser son cul sur une moto, une vraie, je suis parti à la recherche d'une moto-école qui voudrait bien de moi et de ma surdité. Va alors commencer une période ressemblant plus ou moins à un film d'Indiana Jones...

A la recherche de la moto-école perdue...
Trois mois plus tard, j'avais essuyé presque une dizaine de refus, plus ou moins franc, plus ou moins polis. Du sincère gars qui ne s'en sent pas capable, au pauvre fourbe qui dit qu'il te recontactera pour finalement ne jamais donner suite, j'ai un peu tout eu.
Et quand j'allais finalement abandonner, je suis tombé sur une petite auto/moto-école, s'occupant notamment d'handicapés moteurs, avec à sa tête un gars extraordinaire. 

Un gars extraordinaire et pragmatique. Comme moi en fait, sauf qu'en plus je suis modeste.

Je disais donc, pragmatique :

"Tu es motivé ? Et bien on trouvera des solutions pour t'apprendre la moto et te faire passer ton examen !"

Voilà, ni plus, ni moins. Pas de soupirs, pas d'yeux au ciel, pas de long discours plus ou moins pertinents, pour expliciter un refus plus ou moins franc.

Il faut tout de même savoir que légalement, la surdité ne pose un problème que pour conduire des engins de transports publiques...et rien d'autre. C'est à dire qu'une fois la visite médical à la préfecture effectuée, et que cette - plus ou moins - vénérable institution a donné son feu vert, les examinateurs doivent s'adapter pour réussir à vous faire passer les examens, c'est la loi !

Pendant que je prépare mon examen du code, je vais faire ce que tous les futurs motards font : écumer le net pour trouver la moto qui les fait vibrer. Je me renseigne donc, je découvre les modèles de moto, des roadsters qui pourraient facilement avoir leur place dans les films Transformers aux trails pour voyageurs.

Pendant ces premières recherche je découvre alors un nouveau monde, qui sans me rebuter, ne m'extasie pas non plus. De toute façon, le moral au même niveau de déliquescence que mon audition, rien de m'extasie vraiment, rien ne me fait vraiment envie, rien ne me fait vraiment rêver. Seul la curiosité de conduire une moto et la volonté de faire quelque chose me poussent à m'accrocher.
Je suis sourd, je ne peux plus faire de musique, je ne peux plus faire des poses de connards avec ma BC Rich Warlock, le pied sur les retours de sono en jouant du riff ultra gras devant trois gars bourrés, et encore moins devant des centaines de personnes, comme cela était arrivé quelques fois.


On en a joué, du gros riff bien gras, nous deux...

C'était mon rêve de gamin, je l'avais réalisé, j'ai eu cette chance mais je ne pouvais plus le faire, je ne pourrais plus jamais le faire, c'était ce qui me faisait vibrer, et des années après la vie me paraissait terne sans ces moments de folie douce.
Lorsque que je me retournais sur le chemin parcouru je voyais donc cela, à travers d'un épais filtre de nostalgie. Mais devant moi il n'y avait plus rien, à part mon boulot. qui bien qu'intéressant et parfait pour briller en société, ne m'exaltait pas des masses.

Jusqu'au moment où, au fur et à mesure de mes pérégrinations sur la toile, je tombe sur un blog et plus particulièrement sur ces deux photos :




Note: si j'ai conservé les photos, je n'arrive plus à retrouver le blog en question...

Des photos somme toute assez anodines mais qui ont provoqué chez moi un véritable déclic. Quand j'ai vu cette vieille moto, chargée comme une mule, sur cette route du Pakistan, photo qui alors me semblait provenir d'un autre âge, je me suis dit pour la première fois depuis longtemps :

"Je veux faire ça ! Je veux VRAIMENT faire ça !"

J'ai eu le sentiment de trouver dans cette image ce qui allait devenir "mon truc à moi". Et la suite des événements ne m'a pas donnée tort, même s'il me reste encore du chemin à parcourir avant d'aller seul dans les territoires perdus de l'Asie. Mais ça, si vous suivez mon blog, vous le savez déjà !

Bref...

Nous voici donc en Novembre 2011, soit six mois après avoir avoir commencé à chercher une moto-école. Je viens de réussir mon code, et je pose mon fessier musclé - à l'époque - sur une moto.

Enfin.

Mes moniteurs, Lionel et Catherine, vont alors tout faire pour que je puisse comprendre leurs directives malgré ma surdité, et pour tenter de me mettre à l'aise. Hélas, à l'époque je n'étais qu'une boule de stress et d'angoisse. Sentiments que je tâchais de contenir au jour le jour, avec une réussite relative, mais qui finissaient par m'exploser à la gueule lorsque j'étais au guidon de la moto, comme si celle-ci jouait le rôle d'un véritable révélateur de mon mal être de l'époque.

Crispation, manque de confiance, coups de colère, chaque leçon de plateau était une véritable épreuve durant lesquels mes progrès étaient infimes voir inexistants, malgré la qualité de l'enseignement de mes moniteurs. Et quand au bout de quelques dizaines d'heures de cours, Lionel m'emmena en circulation pour me changer les idées, cela se finira en larmes sur le bord de la route en raison d'une vitesse mal passé ou d'un clignotant oublié, je ne sais plus. Peu importe, car là n'était pas le souci...

Ce permis moto était devenu le symbole de ma vie : incapable d'avancer, incapable de réussir, de plus en plus écrasé par ma surdité alors que je ne cessais de vouloir casser cette bulle oppressante qui m'isolait chaque jour d'avantage. Ma frustration et ma détresse m’entraînaient dans un cercle vicieux où rien de bon ne pouvait m'arriver, puisque je ne me sentais plus bon à rien.
La moto me semblait être la seule chose pouvant casser cette spirale, rendant mes échecs et mon absence de progrès d'autant plus frustrants.

Mais je l'aimais bien cette moto. Les heures de cours passaient, ce foutu parcours lent était toujours infaisable après plus de quarante heures de cours, j'ai voulu abandonner une dizaine de fois, mais je suis toujours revenu.
Car quand je chevauchais ce petit tromblon pour partir sur le plateau, quand je prenais ce guidon dans les mains, quand je sentais les vibrations de ce moteur qui me paraissait rugir au moindre coup d'accélérateur, une chose était certaine : j'aimais cela.
Alors je me suis acharné, encore et encore, j'ai beaucoup crié de rage, j'ai parfois pleuré, mais j'ai continué à venir en leçon, encore, et encore, et encore.

C'est en Juin 2012, six mois après le début de mes cours, un an après m'être lancé dans cette aventure, que les choses vont se débloquer, grâce à une orthophoniste.

Et oui. Je sens que cela mérite peut-être une petite explication. Ou une longue.

Ma vie sociale à l'époque se réduisait à mes collègues de boulot. Leur attention à l'égard de ma situation auditive et leur sympathie m'ont permis de ne pas perdre pied complètement. Mais il n’empêche, je passais mes soirées et mes week-ends seul. De toute façon je ne voulais plus sortir.

A quoi bon?

Je ne comprenais plus rien des conversations hormis les échanges en tête à tête en milieu calme - et encore, avec beaucoup de difficultés. Les blagues, les discussions en groupe, les échanges spontanés et rythmés, cela faisait bien longtemps que je n'y avais plus accès et après des années à me battre, j'en avais tout simplement ras le bol, j'en avais assez.

Assez de rigoler parce que les autres font de même, mais sans savoir pourquoi. Assez de devoir faire semblant. Assez, surtout, de ce regard excédé de la personne qui en a marre de ne pouvoir se faire comprendre. Assez de passer pour un con. Assez de ne pouvoir être moi-même. Assez de ne pas pouvoir communiquer. Assez d'être mis à l'écart.

Stop.

Imaginez-vous être invité à une soirée. Celle-ci se passe dans un grand salon avec une baie vitrée. Les gens rient, parlent, échangent, s'engueulent. Bref, les gens vivent.
Mais vous êtes dehors et quelqu'un l'a fermé, cette baie vitrée. Vous les voyez donc vivre ces gens, mais vous ne les entendez pas. Ils passent vous faire un petit coucou derrière la vitre, de temps à autre; ils vous écrivent la bonne blague qui vient d'être dite, parfois, puis repartent. Et viennent vous voir de moins en moins souvent à force que la soirée, la vie, avance.
Car il est bien difficile et peu agréable de converser, de se découvrir, de se connaître quand un tel obstacle vous séparent. C'est bien naturel, d'autant qu'ils ne comprennent pas vraiment pourquoi il m'est si difficile d'entrer dans la pièce avec eux, de vivre avec eux. Ils n'imaginent pas que ce grand garçon athlétique -  mais ça c'était avant, au cursus universitaire apparemment exemplaire, ancien musicien, est sourd, vraiment sourd, et qu'il ne comprend plus grand chose à ce qu'on lui dit.

Et qu'il est fatigué de tout cela.

Comment leur en vouloir d'ailleurs ? Je ne prenais pas moi-même la mesure des choses. Et c'est bien pour cela que je suis allé voir une orthophoniste : parce que je pensais que je ne faisais pas assez d'efforts pour rentrer dans ce salon, pour franchir cette baie vitrée, pour vivre avec les gens.
Je suis donc allé voir cette dame pour apprendre à lire sur les lèvres. Je ne vais pas vous détailler cette séance, mais je peux vous la résumer facilement par un échange après qu'elle eut testé mes compétences en lecture labiale :

Elle : "Mais pourquoi êtes-vous ici?"

Moi : "Je vous l'ai dit, je veux apprendre à lire sur les lèvres...", ai-je répondu un peu énervé par cette question - faussement naïve, mais je ne l'avais alors pas compris...

Elle : "Vous pensez vraiment que vous ne savez pas lire sur les lèvres?"

Moi : "Je sais que cela m'aide un peu, mais j'ai l'impression de ne pas faire assez d'effort pour comprendre les gens de manière générale..."

Elle : "Vous savez, d'après les test, votre compréhension est basée à 90% sur la lecture labiale...vous pensez vraiment que vous ne faites pas assez d'efforts? Car c'est extrêmement épuisant ce que vous faites là..."

Moi : "Si j'en fais, je crois, mais..."

Elle : "Mais?"

Moi : "Je n'y arrive plus, je n'arrive plus à communiquer avec les gens..."

Elle : "C'est normal, vous faites tous ce que vous pouvez mais votre surdité est maintenant trop profonde. Connaissez-vous l'implant cochléaire ? Car dans votre cas, cela pourrait être une excellente solution."

Ce n'était pas ma faute, je faisais tout ce que je pouvais, j'ai toujours fait tout ce que j'ai pu, j'ai réussi un parcours universitaire et professionnel dont beaucoup rêverait malgré un handicap "lourd", je ne suis pas une merde, mais je suis dans une situation merdique. Et il y a peut-être une solution. Il y a un espoir.

Voilà ce que moi j'ai entendu dans cette conversation, dans ces mots. Et voilà comment ma vie commença à changer, et comment quelqu'un, en quelques phrases, avait su me mettre face à la réalité et pu alléger mon fardeau.

En sortant, j'ai directement pris un rendez-vous pour une consultation en vu d'un bilan pré-implant. Ce qu'il se passa après ? Et bien je l'ai déjà raconté au moins en partie...je vous laisse chercher dans les archives du blog (dans le menu à droite), bande de flemmard.

C'est ce poids en moins sur ce fardeau si lourd qui m'a permis de progresser enfin sur ce satané parcours lent, j'en suis persuadé. Un peu plus détendu, dans une dynamique plus positive, j'ai réussi à me mettre moins de pression, et à avoir un peu plus confiance en moi. Un peu, mais suffisamment pour que les progrès pointent le bout de leur nez - c'est complètement con comme phrase, un progrès ça n'a pas de nez...

Bien sûr, les choses ne se sont pas faites du jour au lendemain. Il y eu un premier échec monumental à l'examen, au début de l'été, puis un autre en Septembre.
Mais après plus de soixante-dix heures - même pas honte, j'ai enfin réussi à obtenir l'examen du plateau. C'était, je crois, le 14 octobre 2012. Moins de deux semaines après, j'étais hospitalisé pour la pose de mon premier implant.

Des gens pour m'aider, de la réussite, de l'espoir, des envies, des rêves. L'espoir de récupérer une vie un peu plus facile, des envies de moto, des rêves de voyage.

En octobre 2012, la roue avait commencé à retourner dans le bon sens et quatre ans plus tard, elle ne s'est pas encore arrêté.

A suivre...














mercredi 19 octobre 2016

Bardenas...3 - Retour au bercail

Saloperies de neurotransmetteurs...Saloperies de petites molécules qui parfois nous font péter un câble plus que de raison. Voilà ce que me dis mon moi biologiste en me réveillant ce matin dans ma chambre d'hôtel.

Oui, j'ai paumé mon téléphone, oui ça va me coûter un pied - ça fait longtemps que je n'ai plus ni bras, ni rein à vendre. Et oui, cela restreint largement mes possibilités. En effet, il est hors de question pour moi de prendre le risque de me retrouver à terre dans un petit chemin perdu, sous 45° à l'ombre, sans moyen de contacter qui que ce soit. 
Cela peut paraître contre-intuitif, mais de ce côté là, l'Islande - où j'avais déjà perdu mon mes téléphones pour ceux qui n'ont pas suivi - était bien moins "dangereuse". Des températures raisonnables, de l'eau potable partout ou presque grâce aux glaciers, et des chemins qui même s'ils paraissaient mener vers le bout du monde restaient bel et bien des voies de circulation officielles.

Bref, la perte de mon téléphone me contraint de revoir mes plans, de ne pas aller n'importe où, n'importe comment, librement, sans stress, sans contraintes. En gros, d'abandonner l'idée que je me faisais de cette petite balade en Espagne qui n'était déjà à la base qu'un petit palliatif au fait que cette année, un vrai voyage était impossible.

L'échec.

Mais était-il besoin de criser, de stresser, de finalement me coucher à 3 heures du matin en rageant contre moi-même et en me lamentant parce que je suis décidément un gros boulet et que ça me gonfle - parfois ?

Non, définitivement pas. Et la nuit portant conseil, me voilà bien décidé à profiter de cette dernière journée en terre d'Espagne. Des chemins il n'y en aura pas (ou très peu), mais les Pyrénées sont là, un roadbook de douze heures m'attend, et finalement, pour moi qui n'ai pas roulé pendant plusieurs mois, c'est malgré tout un vrai bonheur !

Je remballe donc mes affaires, réactive le mode Bisounours content qui fait des arcs-en-ciel avec son ventre, pose mon fessier mou sur mon tracteur, et décolle en direction des Pyrénées.

Rapidement, je me retrouve à nouveau en périphérie du désert des Bardenas...


Je m'autorise quelques kilomètres dans ce cadre sécurisant, ces pistes faciles. Je suis loin des petits sentiers défoncés que j'aurais voulu faire mais le plaisir est là, et c'est le plus important. 

Il est temps ensuite de rejoindre les petites routes...


Petites routes traversant de charmants villages assez typiques, que je n'avais pas pu photographier à l'aller pour cause d'attaques de zombies plus ou moins consanguins (Bardenas...1 - On the road again !).


Si les pistes accidentées ne sont pas au programme aujourd'hui, mon gros tracteur sait aussi faire parler la poudre sur les petites routes pourries que j'affectionne tant depuis que j'avais emmené ma Versys faire le tour de France - voir les archives du blog et notamment Tour de France...Bilan, conclusion et perspectives.

Note : si vous allez navigué dans ces archives sachez qu'à l'époque de ces premiers articles, je venais tout juste d'apprendre à écrire, vous me pardon nez ré donk les photes aurtograffe, la rédaction minimaliste ainsi que les photos qui parfois piquent les yeux.




Les kilomètres s'enchaînent, les heures passent, les paysages défilent...





Et vont alors apparaître les Pyrénées...









Mais je n'y suis pas encore, mon pote Tom - mon GPS, pour ceux qui débarquent - prenant un malin plaisir à m'envoyer sur les routes les plus improbables, pour mon plus grand bonheur.






Puis il sera temps de passer sur de pures routes à connards, tendance Moto GP : des billards avec de grandes courbes, de très grands courbes, sans circulation. Mais, car il faut bien qu'il y ai parfois un "mais", c'est au final dans ces circonstances que l'Africa Twin montre quelques limites avec un léger flottement du train avant quand la vitesse devient un peu déraisonnable. Il faut dire que les pneus à crampons n'aident pas.

De toute façon, plus que les limites en arsouille de mon tromblon sur ce genre de route, c'est surtout la conception de la moto telle que je l'ai aujourd'hui qui va m'inciter à couper les gazs. Pourquoi ? Parce que même à des vitesses que je n'avouerais pas ici, et bien je me fais...oui, je vais le dire...

Un peu chié. 

Sacrilège ! Mais c'est trop propre, trop lisse, trop gentil, il y a trop de visibilité...Non, décidemment, je vais laisser ce genre de route aux Marc Marquez et autres Valentino Rossi du dimanche pour céder à l'appel de la poussière.
Et me voilà alors embarqué dans des petits chemins vallonnés, avec des trous, des bosses, des cailloux, de l'herbe. En résumé, des chemins avec de la vie - même s'il n'y a pas de gras.

Tout à fait.
Je commence à me sentir vraiment bien dans ce type d'environnement. Le plaisir de conduite est alors bien différent des petites routes de montagne tellement sinueuses que l'on se croirait dans un parc d'attraction, mais il est finalement du même niveau...Il faut dire que mon manque totale de maîtrise fait aussi grimper l'adrénaline, ce qui n'est pas pour me déplaire !

Quelques kilomètres plus loin, un coin d'ombre va me permettre de prendre une pause bienvenue...






Je vais cependant rester raisonnable - décidément cela devient une mauvaise habitude - et reprendre ma marche en avant sur des routes et des "routes"...

Voici une route.


Voici une "route".

En fin d'après-midi, je me lance à l'attaque de petits cols pyrénéens...






Cols dans lesquelles un photographe me prendra en pleine action...

On y croit tous, non ? (photo google)

J'aurais pu bifurquer vers le col, magnifique, de la Pierre Saint-Martin...sauf qu'en tant que digne fruit du chêne - c'est à dire un gland, je n'ai pas trop fait attention à mon essence. Et me voilà sur la réserve, avec Tom qui m'indique la prochaine station de ravitaillement dans 53 km.

Hum...ça va être juste.

J'oublie donc le col de la Pierre Saint-Martin et je m'engage en roue libre dans la descente du grand col qui me sépare de la civilisation. 

Le nez au vent, dans un calme onirique - je sais pas si cela veut dire quelque chose mais on s'en fout, sans vibrations, sans un quelconque bruit de vent - que j'entends parfois un peu même sans mes oreilles bioniques branchées, j'admire le paysage dans un silence et un calme absolu.

Tout ça pour dire que c'était cool, en gros.

Bref...

Je vais finalement trouver une pompe à essence plus vite que prévu - quel farceur ce Tom, et après en avoir foutu partout puisque je suis tombé sur la seule pompe du monde sans sécurité anti-reflux, je repars à l'assaut des cols Pyrénéens.










Le soleil se couche maintenant doucement, et le seul commentaire que j'ai envie d'ajouter c'est que, c'est pour ces moments là que j'aime tant le voyage à moto. Ces paysages, ces lumières, la liberté, ne pas savoir où l'on est, aller où l'on veut, s'arrêter loin de tout, admirer le soleil qui se couche derrière les montagnes puis repartir vers un autre lieu, une autre vie.

...


...



Mais grave.

Nous disions donc, admirer le soleil qui se couche doucement sur les Pyrénées...


















Le soleil a disparu, la batterie de mon appareil photo est épuisée, il est temps de filer vers Bayonne où je vais rejoindre mon pote Sky pour avaler une petite bière et se faire des papouilles, avant de filer rejoindre ma maison où j'arriverai à plus de minuit. Autant vous avouer que je vais profiter de ce trajet pour commencer à voir ce que mon nouveau tracteur à vraiment dans le ventre. A rythme soutenu mais contrôlé, toutes aides électroniques désactivées, je saute de virage en virage sur les fabuleuses routes du pays Basque, enchaînant freinages de trappeurs et relances vigoureuses sous un vif clair de Lune.

Une petite session de conn*rd qui va finir de confirmer ce que je me dis depuis trois jours : l'Africa Twin est faite pour moi - et j'y reviendrais en détail dans un article d'essai. Pendant mes premiers milliers de kilomètres à son guidon, j'ai eu un doute. Je regardais alors ma Versys avec une certaine nostalgie, voir une certaine envie, car il manquait alors un "truc" à ma grosse Honda. Pourtant, elle a tout, du confort au moteur, en passant par ses capacités hors route que j'ai vite pu apprécier.

Non, en fait, j'ai découvert avec ce petit raid ibérique que ce qui lui manque en fait, c'est une histoire. Une histoire que j'ai donc commencé à écrire, et qui j'espère comportera de nombreux autres chapitres. Afin de donner une âme à cet amas de métal et de plastique pour que je puisse, lui aussi, le regarder avec le sourire aux lèvres, repensant aux épreuves traversées et aux joies ressenties. Afin d'en faire un autre symbole du bonheur que me procure le voyage . 

Le prochain chapitre de cette histoire s'écrira sur les pistes de l'Ardèche dans quelques semaines. Et puis, si ma grosse sauterelle survie à ce qui s'annonce être un week-end de grand n'importe quoi, plus tard, dans quelques mois ou dans un an, j'espère aller écrire sur les pistes...

Du Maroc.







samedi 17 septembre 2016

Bardenas...2 - Un boulet dans le désert


S'endormir sous une pluie d'étoiles filantes et se réveiller avec les premiers rayons du soleil...voilà comment se sont déroulées mes premières heures dans le désert des Bardenas. Un moment idyllique qui va être suivi par une journée qui ne le sera pas moins.

Heu...enfin presque !

Car ce jour, s'il sera marqué par des décors fantastiques dignes des westerns spaghettis, le plaisir immense d'évoluer hors des chemins tous tracés et une température extérieur qui ferait ressusciter n'importe quel organisme vivant enfermé dans un congélateur, va aussi voir le retour de :

Super. Boulet.

Et super boulet, c'est moi.

J'ouvre donc mes gros yeux globuleux à la faveur des premiers rayons de soleil, pour découvrir le paysage que hier soir, étant arrivée de nuit, je ne pouvais que vaguement deviner.

C'est l'heure de faire péter une BO d'Ennio Morricone !

A défaut de café, je vais tenter d'activer le truc qui me sert de cerveau en réalisant une séance de shooting spécial tracteur...


T'y es belle ! T'y es belle ! Vas-y bouge ton corps ! Ah non...merde, c'est juste une moto en fait.

Il est 8h40, la chaleur commence déjà à se faire sentir - et ce n'est que le début, il est temps de partir à la découverte de ce territoire !

Quelques tours de roues plus tard...

Les choses (presque) sérieuses commencent.

C'est dans ces moments qu'on se sent un peu comme ça :

Ça va chier dans le ventilo.

J'attaque alors mon premier vrai terrain réellement accidenté, et accessoirement en pente, depuis que j'ai mon nouveau jouet. Le cœur bat vite, le stress est bien présent. Car si quand je suis parti en Islande j'étais disposé à tuer ma petite moto, aujourd'hui ce n'est pas le cas et je n'ai franchement pas envie de mettre mon Africa Twin flambante neuve par terre. Cela arrivera, surement bientôt, mais le plus tard sera le mieux !

Alors on souffle, on est concentré, on se dresse sur les cales-pieds, on serre les fesses - je vous rappelle que j'aime parler de moi à la troisième personne du singulier afin de pleinement satisfaire ma mégalomanie, et c'est parti !

Mais ma nouvelle monture est une sacré bécane de conn*rd, et la descente vers le centre du désert va finalement se faire avec une facilité déconcertante C'est presque trop simple, limite décevant !

Je rejoins alors les pistes touristiques, ne présentant aucunes réelles difficultés mais permettant d'évoluer dans des paysages qui se laissent regarder...


On est pas bien là ?



Bien évidemment, je ne sais pas où je vais. On ne va pas se refaire, c'est l'improvisation totale : je n'ai aucune carte du désert, je ne suis pas passé par le centre d'information du site, et je roule au gré de mes envies...







A cette heure-ci, il n'y a presque personne, c'est MON désert, rien qu'à moi. Cela ne va pas durer car évidemment ces pourritures de touristes de vont pas tarder à débarquer avec force et fracas.

Mais pour l'instant...

GAAAAZZZZ !!!
Cela fait maintenant au moins deux heures que je me balade, la température grimpe au même rythme que ma réserve d'eau décroit, le tracteur commence aussi à avoir soif :  il va donc être temps de sortir du désert pour effectuer un ravitaillement.

Et puis surtout...

J'ai besoin d'un café.

Sur le chemin je vais passer devant LE spot touristique du coin, qui présente un espèce d'étron rocheux que tout le monde prend en photo. D'ailleurs les premiers cars de touristes sont déjà là, les gens squattent ce fèces minéral en enchaînant les selfies sans vraiment regarder ce qu'il y a derrière eux. L'important étant sans doute de montrer aux copains qu'on y était et non pas de profiter de ce que l'on a sous ses yeux - ceci dit, venant d'un blogueur qui raconte ses voyages à coups de poses de conn*rds, cette remarque pourrait rentrer dans la catégorie "HôpitalQuiSeFoutDeLaCharité".

Mais passons...

Quant à moi, par esprit de contradiction je vais décider que je ne prendrais pas de photos de cet endroit. Et puis de toute façon, avec une recherche google on a vite fait de tomber dessus. Alors à la place, je vous propose...

Un lapin avec un rouleau de papier hygiénique sur la tête.

Internet est formidable, qu'on se le dise.

Quelques kilomètres plus loin me voici alors dans un petit village tel qu'on peut en voir un peu partout. Ce type de village assez universel où les gens se reproduisent entre eux et carburent avec des alcools d'origines suspectes à même pas 11 heures du matin.

Je fais le plein d'eau, d'essence, et de café. Mon cerveau, ou ce qu'il en reste, étant maintenant aussi fonctionnel que possible, je repars avec la ferme intention de faire n'importe quoi.

Mais gentiment, hein. Comme je le disais, hors de question de faire tomber la mobylette !

Cette fois je passe devant le centre d'information, et comme je suis quelqu'un de raisonnable et prévoyant, je m'y arrête pour glaner quelques renseignements utiles.

...

Nan, je déconne !

A peine passé ce point d'information où je ne mettrais en fait jamais les pieds, je bifurque rapidement.






Me voilà alors sur une grosse piste, vallonnée, revêtue d'une couche d'un gravier grossier qui fait gentiment chasser ma roue arrière. Il faut dire que le rythme augmente...comme la température extérieur qui maintenant avoisine les 35°.

Cependant, si les pistes touristiques offrent de très beaux paysages, j'ai envie de voir ce que donne mon tracteur sur des terrains un peu plus accidentés.

C'est ainsi que je me retrouve à faire...du hors piste. Du vrai (ou presque).



Sorti de la route, les traces laissant deviner les passages ponctuels de véhicules vont disparaître, les trous et bossent vont se faire plus nombreuses, et mes rétines, les pauvres, vont encore souffrir.

Et pas qu'à cause du soleil.









Après ces quelques photos, durant lesquelles je vais perdre environ trois litres de sueur gluante, je continue mon chemin en rejoignant de vraies petites pistes mais loin du flot de touriste. Flot qui va tout de même rester très raisonnable, surement en raison de la température qui continue de grimper : on frôle alors les 40°. 

Et moi, je suis plus que trempé.

Mais tant que je roule, pas de problème. Enfin pour l'instant.






Je repars ensuite vers le centre du désert en longeant une zone militaire...enfin si j'ai bien compris le panneau, ne parlant pas un mot d'espagnol.

"Ola ! Que tal?" Mon espagnol se limite à ces trois mots auxquels on peut ajouter "cerveza". 

Sur ce tracé, je vais affronter trous, touffes de végétations et autres joyeusetés qui seront toutes facilement vaincues. Trop facilement !

Ce tracteur, c'est le jour et la nuit par rapport à ma Versys quand il s'agit de rouler hors des routes. Là où je me serais peut-être foutu au tas, là où j'aurais surement explosé ma fourche, l'Africa Twin ne bronche pas ! Et du coup, j'ai presque l'impression de ne pas être un poireau ultime, et je me surprends à essayer de faire déraper ma roue arrière comme un pilote ! 

On notera le verbe "essayer" qui indique donc que je n'ai pas (vraiment) réussi...

Je me sens donc en confiance, et continue d'arpenter les pistes annexes...


On ne dirait pas comme cela, mais c'était "légèrement" en pente...

L'endroit est parfait, il est temps.

Temps de faire une pose de conn*rd.

Une pose qui va me encore coûter 2,83 litres de sueurs environ. Cela ruisselle dans le casque, les habits collent, l'odeur est enivrante. Bref, ça commence à devenir dégueulasse.

Mais bon, pour ce qui est des choses dégueulasses, j'ai une certaine tolérance.

Et puis je pense que cela valait le coup !

J'ai tellement souffert de la chaleur pour cette session, que je me permets de poster l'autre version...

On dirait pas là, mais je suis en train de me noyer dans mon casque.

Une fois cela fait, je regrimpe rapidement sur la moto, pour rouler et me rafraîchir. Ceci dit, vu le terrain, le rythme va être prudent et je ne vais que moyennement baisser en température.

Il fait 42°.



Quelques centaines de mètres après, une épingle proposant un très fort dénivelé positif et avec énormément de sable, va me faire rebrousser chemin. Oui, sur ce coup, j'ai été...raisonnable.

Argh.

Je rejoins donc les pistes touristiques. La sensation de chaleur, finalement bien supportable en roulant laisse place à quelque chose de plus problématique : la déshydratation.

Car à ce moment-là, même si je bois régulièrement, ma forme physique va commencer à décliner doucement. Mais pour l'instant, ça va.




Je reprends des chemins de traverses, et vais tenter une autre petite pose...

Mais la forme n'est pas là. Et puis, essayez de rester naturel en vous asseyant sur les valoches d'une moto avec un amorto' arrière tout mou...c'est pas rassurant.

On sent que je faiblis.
Il y a du vent, étant trempé - mais vraiment - il ne fait finalement pas si chaud. Mais je suis anormalement essoufflé, je sens une petite oppression dans la poitrine, les muscles faiblissent. 

Et le thermomètre du tracteur indique toujours 42°.

Je me réfugie alors à l'ombre.

Ici. A l'arrache.

Je finis mes réserves d'eau, et je repars en direction du petit village de gentils consanguins où j'étais ce matin...sauf que cette fois je suis loin. Une bonne excuse pour se faire gentiment plaisir et rouler à un rythme certes pas excessif, mais tout de même fort plaisant !


Braaaaap !
(petite dédicace à Braaap.fr )
C'est là que va commencer la première galère de la journée.

Parce que l'Espagne, l'après-midi, un samedi, en été, c'est mort.

C'est vraiment mort.

Une fois revenu dans les petits villages proches du désert, impossible trouver un semblant de supérette ouverte, ni même un tabac. Le GPS m'indique bien quelques magasins mais tout est fermé. 

Alors je tente le tout pour le tout, et roule vers la grande ville d'à côté. Vingt-cinq kilomètres plus tard, me voici dans une grande zone commerciale. Il n'y a pas un chat, je commence à me dire que je trouverais rien d'ouvert.

J'ai chaud, j'ai soif. J'ai très soif.

Environ une heure et demi après le départ de mon petit abri, je trouve finalement le Graal : un supermarché climatisé.

Un pack d'eau, des fruits, des boissons sucrées et surtout fraîches. Bref, le bonheur !

Par contre, les bières ce sera pour ce soir. 

Un fois réhydrater je vais m'affaler sur le bitume du parking pour tenter une petite sieste. Ma tenue est couverte de poussière, j'ai sué comme un goret, je pue surement à trois kilomètres, j'ai la gueule du gars qui n'en peut plus, et les gens me regardent avec un air teinté de dédain et de suspicion.

En même temps, j'aime pas les gens. Donc ce n'est pas bien grave.

Il est environ 16 heures, et je prévois alors de retourner dans le désert pour le début de soirée afin de profiter du soleil couchant. En attendant, et suite à ma petite sieste, j'enfourche ma bécane pour aller voir un autre parc naturel, dont j'ai oublié le nom, situé juste à côté des Bardenas. 

Une route à conn*rd plus tard, cette excursion se transforme en lamentable échec.

Ce qui annonce la tendance des prochaines heures.

Les indications sont floues, je ne vois rien de bien transcendant autour de moi, alors je décide de faire demi-tour pour aller me caler dans un village non loin afin d'avoir un peu de réseau téléphonique. De toute façon, je suis encore assez fatigué, un peu de repos supplémentaire ne fera pas de mal.

Bref...

Mon cul sur un trottoir, je balance quelques SMS, bois encore et encore - mais toujours pas de bières, ce n'est pas encore le moment, quand enfin sur les coups de 18 heures je me décide à retourner dans le désert.

Ça va être bien, il va y avoir un beau couché de soleil, je vais faire des photos qui tabassent les rétines, je vais camper à l'arrache et dormir sous les étoiles.

Oui.

Mais en fait, non.

J'arrive donc au désert, et me prend alors l'envie de m'arrêter devant une des cartes à l'entrée de celui-ci. 

"Ouh, que ça va être bien" me dis-je encore une fois.

"Tiens je vais même faire une petite photo de cette charmante route avec mon téléphone !"

Tout cela en mode bisounours content qui fait des arc-en-ciel avec son ventre.


Je tâtonne alors mes poches pour localiser mon téléphone. Je tâtonne une seconde fois...

Mais rien ! Il n'est pas là ! Voilà que cela recommence ! Je suis maudit !

Je fouille partout : poches, sacs, valises, et je jette même un coup d’œil dans les recoins de mes carénages...mais rien. Il faut que je me rende à l'évidence, j'ai ENCORE perdu mon téléphone !

Le Bisounours va alors se liquéfier...

Game Over.
"Game Over" parce que sans moyen de contacter les secours, hors de question d'aller me taper des petites pistes perdues dans cette fournaise au risque d'avoir de sérieux problèmes en cas de chute. J'avais déjà frôlé la correctionnelle en Islande en m'enlisant au milieu de nulle part (lien : into the n'importe quoi) sans avoir de quoi contacter qui que ce soit - parce que j'avais perdu mes deux téléphones ! -, et je n'ai pas envie de remettre cela. Et en plus, en Islande, il y a avait de l'eau, il faisait frais et mêmes les pistes les plus reculées sont des voies officielles où l'on finit toujours par croiser quelqu'un. Sans compter le service de secours ultra performant..
"Game Over", car j'avais envie de beaucoup de choses avec ce petit périple, mais surtout pas de me prendre la tête avec ce genre de problème, de me prendre la tête parce que je ne peux pas contacter mes proches et qu'ils risquent de s'inquiéter.

Bref, ce voyage que je voulais sans contraintes et sans stress vient de tomber à l'eau. 

Bien sûr, je n'ai pas lâché l'affaire tout de suite. J'ai refait toutes les routes que j'avais emprunté depuis les trois dernières heures, je suis retourné sur les lieux de chacun de mes arrêts, j'ai demandé à des gens d'appeler, je suis allé voir les flics dans leur commissariat pour tenter de le géolocaliser.

L'échec fut absolu.

Après plus de deux heures et demi de recherche je me résous définitivement à accepter ma connerie. Ne sachant trop que faire, je vais un peu machinalement retourner au désert. J'arrive pile poli pour profiter de la lumière du soleil couchant...



Je vais m'arrêter devant un des étrons rocheux ornant le parc...



Et fouiller à nouveau l'ensemble de mes bagages. Evidemment, toujours pas de téléphone. Alors, à défaut, je vais m'ouvrir une bière en admirant le soleil qui se couche doucement.


Une attaque massive de moustiques va ensuite finir d'anéantir mes velléités de camping sauvage. Je me dis que le mieux est maintenant de trouver un petit hôtel. Il faut dire que - et avec le recul cela peut paraître bien exagéré - je suis plus que dégoutté. 

Je suis même en train de péter un plomb...

Je n'ai pas pu faire de moto de l'année, puis je n'ai pas pu partir pour faire un vrai voyage, et voilà que comme le dernier des abrutis j'ai gâché ces quelques jours que j'attendais tant, dont j'avais tant besoin pour me ressourcer.

Alors autant dire qu'à cet instant, je suis en colère, dépité, j'ai la rage, et les fils qui se touchent !

Je pars donc à la recherche d'un hôtel, et là aussi, les choses ne vont pas se passer comme prévu : tout est complet. Il va me falloir rouler peut-être bien deux heures, et démarcher cinq hôtels pour finir dans un quatre étoile, seul établissement ayant encore une chambre de disponible. Heureusement, les prix en Espagne ne sont pas les mêmes qu'en France, même si cela fait tout de même mal à un certain sphincter !

Je débarque donc vers minuit dans un grand hall luxueux, au bout du rouleau, couvert de poussière, en nage, puant la sueur, portant mes valises à bout de bras...Je fais tâche dans le paysage ! Le pire c'est que je vais être pourtant plus que bien reçu ! Après une excursion pour me trouver des clopes, je vais échanger un peu avec le jeune s'occupant de l'accueil autour d'une bière. Nous allons parler de tout, de rien, de moto, des Bardenas, de son boulot. Un agréable moment qui va me permettre d'atterrir et de déstresser un peu.

Malgré cela, je n'ai pas envie de continuer, pas envie de subir la contrainte qu'a créé la perte de mon téléphone. Décision est prise de rentrer dès le lendemain, et non pas le jour d'après comme prévu initialement.

Mon petit week-end a donc tourné ce soir là au fiasco...ou presque. Car après cette journée tout de même assez extraordinaire dans le désert des Bardenas, le lendemain c'est près de 12 heures de moto qui m'attendent dans les Pyrénées et le Pays Basque. Et ça, ce n'est déjà pas si mal! 

A suivre...