mercredi 13 janvier 2016

Tour d'Islande...15 - A la recherche du précieux (Part 2)


Quelque part pas loin du Mordor

Lundi 10 Août



Comment résumer l'épisode précédent (A la recherche du précieux - Part 1) ?

Hum, comme ça:



Après quasiment cents kilomètres de pistes en direction du cœur de l'Islande, après une belle chute, quelques frayeurs, des paysages à faire perdre la tête, après surtout beaucoup de bonheur, nous voilà Christelle et moi confrontés à ce gué...cet énorme gué.
Le truc improbable pour un poireau comme moi. Bordel, moi qui pensais à la base "peut-être" traverser un ou deux gués pendant le voyage...je m'en suis tapé des dizaines et me voilà face à un machin large de cinquante mètres, peut-être cent ! Voir même un kilomètre! 

Au moins.

Mon esprit s'égare, mais cela paraît vraiment énorme. Peu importe, il est de toute façon hors de question de faire demi-tour.

Je suis un ouf, moi.

Le temps que je dépose mes affaires, Christelle est déjà dans la flotte en train de sonder le bazar. Premier bon point, cela n'a pas l'air trop profond. Par contre, le courant, lui, semble assez puissant.

Chose qui sera confirmée quand moi aussi je vais allé faire trempette...

Pas profond, mais franchement casse-gueule!

Bien évidemment, ma caméra n'a plus de batterie, et j'avoue qu'avec ce qui va suivre, la prise de photo va être mise au second, voir au troisième plan. Les images de cette inoubliable soirée seront donc rares...

Je suis dans l'eau, je marche. Difficilement, le courant étant suffisamment fort pour me déséquilibrer et rendre l'évolution assez délicate. Surtout, s'il existe deux passages assez peu profonds, avec environ 40 centimètres d'eau en moyenne, dès que l'on s'éloigne de ces trajectoires, cela devient une autre histoire.
Bref, un passage à gauche, un autre à droite, mais si on se fait déporter par le courant, on se retrouve facilement dans un mètre de flotte. Les bécanes risquent de ne pas aimer.

Je crois que nous avons sondé la rivière un bon moment...10, 15, 20 minutes, je ne sais plus trop. Nous avons beaucoup fumé aussi...le stress, surement. En même temps, cela nous a permis de profiter du paysage et de l'ambiance des lieux.


Ce courant est alors la vraie source d'anxiété. Nous fixons une trajectoire, mais par peur que je me déporte, Christelle va proposer de traversée par étapes, 10 mètres par 10 mètres, afin de limiter les risques de dérives. Puisqu'on est deux, pas de risque de se retrouver coincé d'autant que le fond composé de gros galets est assez ferme.

Mais non! Il était de mon devoir de faire le boulet!

Je me vois encore sur mon tracteur, face au gué. Près à partir, Christelle me propose donc de traverser par pallier. Mais moi, j'ai peur. Peur de faire une fausse manœuvre, et de couper les gaz. Mon pot d'échappement étant sous la moto, et qui plus est avec son ouverture orientée vers le courant, je crains de noyer la moto si le moteur venait à ne plus tourner.

Alors non, je n'irai pas par étape...je vais faire ce que j'ai toujours fait depuis que je suis arrivée en Islande: débrancher le cerveau, et aller tout droit!

BAAAAANZAÏÏÏÏÏ !!!!!!

Je suis sur la berge, j'ouvre les gaz et j'avance doucement...voilà, ça y est, je rentre dans ce cours d'eau. Les gros galets me secouent, ça glisse un peu, mais j'avance "comme d'habitude", c'est à dire comme un gros bourrin, en mode "éléphant dans un magasin de porcelaine".

Je le sens, ça va le faire! Ça l'a toujours fait, alors il n'y a pas de raison!

Je suis maintenant à mi-parcours, toujours sur mes roues! Wouhhh!

C'est là que les choses vont se compliquer...le courant commence à me faire dévier de ma trajectoire. Implacablement. Je n'arrive pas à lutter, me voilà figer sur ma moto, incapable de renverser les choses. Mais j'y suis presque! J'y suis presque! Encore quelques mètres!
Je continue à avancer...et je continue à me déporter...quand tout à coup, le cul sur la selle, et alors que j'ai de l'eau jusqu'à mi-cuisse, une pensée va traverser la masse spongieuse qui me sert de cerveau :

"Heu...il y a beaucoup d'eau là quand même."

Gné.

Pourtant je continue à avancer!! Encore quelques mètres, peut-être quatre ou cinq maximum, j'y suis! 

Mais non, il est trop tard, presque submergée, ma moto n'a plus d'adhérence et le courant va l'envoyer sous l'eau...moi avec.

Argh.

Je me relève, Christelle est déjà là.

On redresse la moto, je tente de la redémarrer, mais rien, ou si peu. 

Nous poussons mon pauvre tracteur sur les trois ou quatre derniers mètres qui me restait à parcourir...Je suis un peu ailleurs, je n'y crois pas trop, et pourtant : je viens bel et bien de planter ma moto en plein milieu de l'Islande, dans quasiment un mètre de flotte, à deux jours du ferry retour. 

C'est dans ces moments là qu'on a tendance à moins faire attention aux paysages...

J'essaie encore de redémarrer le tracteur, mais rien, nada, que dalle, niet, que tchi. Je crois que c'est à cet instant que l'on a couché la moto sur le bord du chemin pour que l’échappement se vide de sa flotte. Quelques litres écoulés plus tard, le moto ne démarre toujours pas. Par contre l'huile a encore une couleur d'huile. Bref, il n'y apparemment pas d'eau dans le moteur, et ça c'est un très bon point!

Nous arrêtons des gens en 4x4 qui passaient par là et leur demandons un peu d'aide pour pousser l'engin. C'est Christelle qui assurera la relance de la machine avec une technique pour le moins surprenante. Un essai, un second, et au troisième, la voilà qui redémarre!

Ouf!!!

Je monte alors dessus, et vais faire un petit tour. Bon, les vitesses ne passent plus...surement une pièce de mon sélecteur trafiqué pour pouvoir mettre mon sabot moteur sur-mesure personnalisé de la mort - gracieusement mis au point par Steel Bike Concept, et qui m'a sauvé la mise deux ou trois fois quand de grosses et belliqueuses pierres se sont jetées sous ma moto.

Bref, un moindre mal.

La moto roule, et c'est un soulagement énorme! Ça réchauffe aussi l'âme, quant à l'extérieur la température commence à baisser sensiblement. Il faut dire que je suis aussi légèrement trempé!

Après ce petit tour, il est donc temps de voir cette histoire de sélecteur. J'arrête la moto, et on vérifie tout de même l'huile...juste comme ça hein...par précaution.

Et bien l'huile de mon moteur, à ce moment là, est couleur "café au lait". Autrement dit, en faisant tourner le moteur, de l'eau infiltrée dans la mécanique est venue se mélanger à l'huile du moteur. J'ai donc bien noyé mon tracteur, et il est maintenant hors de question de faire tourner le moteur sous peine de tout exploser.

Mon état d'esprit à ce moment là?

J'ai honte. 

Honte de ne pas avoir écouté Christelle, honte d'avoir fait n'importe quoi, dans le mauvais sens de la formule. Honte de bloquer mon acolyte et de l'empêcher de continuer son voyage sereinement. 

Et puis accessoirement, c'est quand même un peu la merde.

Le ferry est dans deux jours, notre point de chute du soir à 25 kilomètres, la marge de manœuvre pour faire réparer la moto est extrêmement réduite: il faudrait un miracle!

Et puis ce putain de sélecteur de merde! Impossible à remettre en place! 

Christelle s'y collera aussi...

Le stress monte, je souffle, j'essaie de garder le contrôle, assis dans la terre à essayer de trouver pourquoi ce putain de sélecteur de merde (bis) est bloqué! 

POUR-QUOI ????!!!! AAAAAAAAAHHHHHHHrrrrrrgggggh scrogneugneu...

Mais Christelle est là...

Et Christelle, elle sait transmettre son calme. Et puis c'est vrai quoi, on trouvera bien quelqu'un avec un bidon d'huile pour faire une vidange, et hop, ce sera reparti. Elle est comme ça... pourquoi s'énerver, ça ne sert à rien! Et je suis bien d'accord!

Une petite anecdote permet d'ailleurs de cerner le personnage...

Un jour, surement lors de notre première rencontre (Le jour où j'ai roulé sur une autre planète) je lui avais demandé comment elle se débrouillait quand elle faisait tomber son énorme GS Adventure, pour la relever. La réponse fut simple: 

"C'est pas grave, au pire tu attends. Il y a bien quelqu'un qui passera et qui pourra aider. En générale, attendre permet de régler beaucoup de chose quand tu es en voyage. Même quand tu te pètes la jambe, c'est pas grave, il y a bien quelqu'un qui passera..."

C'est pas une citation exacte, mais pas loin.

Tout ça pour dire qu'il faut relativiser...certes ma bécane est potentiellement morte, certes mon ferry est dans deux jours et il se peut que je doive repartir sans moto, certes cela ne ferait pas une belle fin de voyage, certes ça fait chier, il faudra faire jouer les assurances, ou je ne sais quoi...
Mais bon, c'est quand même pas bien grave au final, c'est même carrément un problème de riche! Et si on se détache des choses, de l'angoisse, de la fatigue, que l'on prend un peu de recul, c'est juste énorme, finalement plutôt marrant de se retrouver là comme un con et on sait bien au final que ce genre de péripéties font les meilleurs souvenirs!

Si, si, je vous jure! :)

Trêve de galéjades, il faut rejoindre un endroit où l'on pourra trouver des gens, et par bonheur, de l'huile moteur. Le sélecteur de vitesse, on verra ça a tête reposée.  Et pour cela, nous allons...

Tracter le tracteur! Rien que ça...

Christelle sort une sangle, et en deux minutes voilà ma moto reliée à la sienne. Heureusement, contrairement aux kilomètres précédents, la piste est bien roulante. Croisons les doigts pour que cela dure!

Les plus observateurs remarqueront la sangle attachée aux cales-pieds des motos...

Nous voilà reparti. Moteur éteint, je n'ai presque aucun contrôle sur la machine. A tout juste 3 mètres pile-poil derrière Christelle, je ne vois rien.

Tout. Va. Bien.

Au bout de 30 mètres, je commence à ressentir quelque chose de bizarre...je suis en train de perdre le peu de contrôle que j'avais, et je vois Christelle s'éloigner. Oui, nous avons 25 kilomètres à faire...et la sangle vient de péter au bout de 30 mètres.

Tout. Va. Bien. Ça va bien se passer.

Je sors alors une de mes sangles et c'est reparti. Cette fois, ça tient - encore merci Thierry pour ce conseil!! Mais je ne vois toujours rien. Je conduis à l'aveugle, sans pouvoir agir sur quoique ce soit, sauf les freins - c'est déjà ça! C'est le grand stress, et il y a 25 bornes à faire comme ça! En espérant que la piste reste roulante tout ce temps, ce qui n'est pas franchement gagné...
On avance, on avance. Je souffle comme un bœuf. Debout sur la moto mon état de crispation est total...et il va dépasser le niveau maximum quand au bout d'environ 3 kilomètres, nous allons tomber sur cela:

Je ne suis pas d'accord. Je refuse.
Un gué.

Un gué à passer en me faisant tracter mon tracteur moteur éteint et avec une visibilité réduite.

Bordel... qu'est ce que je fous là? 

Je me dis alors que ce n'est pas possible...que l'on ne pourra jamais faire 25 kilomètres comme cela. Par miracle, juste après le franchissement de cet énième obstacle, nous allons apercevoir un petit cabanon, un petit refuge et un 4x4.

Un semblant de civilisation...et qui sait? Peut-être de l'huile moteur!
Nous tombons directement sur une jeune femme qui semble être plus ou moins responsable de l'endroit. Christelle lui explique la situation, et voilà qu'elle passe un coup de fil...moi je suis à l'Ouest, je ne comprend pas trop ce qu'il se passe, mais apparemment quelqu'un pourrait venir nous aider d'ici une ou deux heures...

Ah.

Je dirais même...

Ah Ah !

Ceci fait, place à l'essentiel...trouver une bière. Nan, parce que c'est bien beau tout ça, mais vu cette journée absolument parfaite mais quelque peu éreintante, une bière serait plus que bienvenue! Et alors que nous commençons à décharger notre barda, et à monter nos tentes, je vais intercepter une gente dame et faire le crevard: ça tombe bien, elle est française, c'est donc une alcoolique, et elle a donc de la bière. 

CQFD.

Jamais de ma vie je n'ai été aussi content d'avoir une bière à 2,5% dans les mains. Et je pense qu'il en est de même pour Christelle!

Mais à peine ceci fait, voilà que l'on m'informe que "les gens"sont là...c'est donc au petit trot que je vais rejoindre ma moto garée à 200 mètres de là.

Les gens...mais quel gens allez-vous me dire??

La réponse est simple:

L'Agence Tout Risque!

A suivre...

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