dimanche 18 février 2018

Maroc 2017 - Etape 5 : Aux portes du Sahara


Er Rachidia - Tazzarine

13 octobre





C'est étrange comme mon matelas gonflable me semble moins confortable au Maroc qu'en Islande, où je dormais comme un bébé. La seule chose qui me vient à l'esprit pour expliquer cela est que la vieillesse est un naufrage.

Ou alors je suis devenu un peu bourgeois sur les bords.

Ce qui revient finalement au même.

Bref, encore une nuit de merde, n'ayons pas peur des mots, mais un réveil tout en joie puisque aujourd'hui je vais me rendre dans le premier vrai endroit symbolique de ce voyage : le désert du Sahara.

Et ça, c'est quand même la classe totale !

Bah si, quand même, un peu.

En parlant d'expulser des galettes, on notera que mon estomac est toujours des plus crispé, et que mes intestins sont...heu...

Bref, ça aussi c'est la classe !

Et comme la veille donc, l'imodium est encore une fois mon ami. C'est triste, mais on a les amis qu'on peut.

Je charge la moto, la sort du "camping"...







Quelqu'un m'aborde alors, et me propose de faire du troc...pourquoi pas ?

Et me voilà embarqué dans une négociation d'un niveau bien supérieur à mes compétences en la matière. Dit autrement, je vais me faire enfler, mais dans la joie et la bonne humeur, ce qui est bien l'essentiel.

Il aime bien mes tongs et mon t-shirt Touratech, et m'invite à venir avec lui pour me proposer des choses en échange.

"Viens voir mon travail, artisanat, coopérative, pour le plaisir !"

Qu'est ce que j'ai pu entendre ce genre de phrase au Maroc, mais là c'était la première fois, alors je ne suis pas méfié !

Nous descendons donc vers la source toute proche. Les gens vivent là dans des habitations de fortune. Après une courte marche le long de ce cours d'eau caché à l'ombre de grands palmiers nous arrivons à la petite maison de ce jeune homme.

Je passe la porte, et là je comprends que je suis tombé sur un gentil filou : ce n'est pas une maison de fortune que nous avons, bien que l'aspect extérieur tendait à le faire croire, mais un véritable magasin extrêmement fourni, une véritable caverne d'Ali Baba !

Et s'il m'échangera bien mes tongs et mon t-shirt contre des babouches, cet entrepreneur local va aussi réussir à me délester de quelques dizaines d'euros. En effet, son discours bien rodé fera mouche dans mon petit cerveau de touriste naïf, et me voilà maintenant en train d'essayer un chèche...


Il me le faut ! J'en ai besoin !

En plus du chèche et des babouches, je vais également repartir avec rien de moins qu'un tapis de deux mètres de long, que je vais donc me trimballer sur l'arrière de la moto pendant tout le reste du voyage. Ceci dit, ce tapis survivra à toutes mes frasques et la fin chaotique de mon voyage, preuve de sa qualité !

Et puis il fallait bien ramené un petit cadeau à ma moman. Il trône maintenant fièrement dans la chambre de mes parents !



Oui, oui, on se trouve les excuses que l'on peut pour ne pas assumer son statut de touriste de base.

Quoiqu'il en soit, tout ce folklore, car je crois que l'on peut appeler cela comme ça, m'aura bien fait marrer et je repars avec un grand sourire amusé qui valait bien quelques euros !

Maintenant, direction le Sahara, en longeant par la route de vrais paysages de cartes postales !











Après deux ou trois heures de route, quelques détours dans des petits villages et des cafés au lait sirotés sur de petites terrasses, me voici en approche de Merzouga...







Le nombre de touristes augmentent très significativement, et on sent bien ici que l'économie se base très largement sur cette activité...

Compréhensible, car si les paysages ont toujours été splendides depuis le début du voyage, c'est lorsque l'on s'enfonce vers le Sud qu'ils deviennent vraiment typiques, alors que les grandes étendues du nord marocain peuvent encore faire penser à certaines régions d'Espagne.



Et lorsqu'il y a des touristes, il y a aussi des enfants qui viennent tenter leur chance pour avoir quelques pièces, bonbons, t-shirt ou autre. Et c'est bien logique qu'il viennent me voir, moi le touriste qui débarque avec une moto et du matériel qui valent plus que ce que certains d'autres eux auront dans toute leur vie...

Cette fois-là j'étais assez isolé en bordure de la ville, je m'arrête pour prendre une photo, personne à l'horizon. A peine la moto béquillée, et l'appareil photo sorti que les voilà...

On pourrait croire à un remake de "28 jours plus tard", avec ses zombies sous amphétamines qui courent comme des dingues. Ceci dit, zombies sous amphet' et enfants, c'est de toute façon un peu la même chose !


Ils ont là, ils arrivent ! Argh, des enfants !

Les chewing-gums et stylos connaissent un franc succès, les cigarettes aussi, mais je n'en donnerais qu'aux plus agés. Me voilà également délesté de deux t-shirts - il ne m'en restera qu'un seul à la fin du voyage, de toute façon je n'en ai aucun réel besoin...

Et puis en vrai j'aime bien les gosses, leurs sourires en dit beaucoup. Et je pense, peut-être naïvement, qu'ils sont aussi contents des petites choses qu'ils ont réussi à grappiller que du fait que l'on s'arrête, prenne le temps de parler, d'échanger et de blaguer un peu.

La scène se déroule sous l'oeil bienveillant et approbateur d'un adulte, les gamins veulent monter sur la moto, me parlent de tout et n'importe quoi, la bonne humeur est général et il en restera un souvenir et une photo qui vaut bien tous les paysages du monde.



Un souvenir, une photo, mais aussi de grands questionnements plus ou moins philosophiques et humanistes, et je ne sais pas quoi d'autre, sur lesquels je reviendrais dans un futur article, très certainement. En tout cas, ce ne sont pas des situations anodines, et elles génèrent en moi beaucoup de réflexions.

Oui, oui, carrément, comme quoi j'ai bel et bien un cerveau.

Je repars me perdre un peu dans cette petite ville, en direction des dunes de Merzouga, et en quittant rapidement la route...




C'est à ce moment que j'ai versé mes premières grosses larmes du voyage, à ce moment là que j'ai pris pleinement conscience de là où j'étais : en Afrique. Que j'ai pris conscience qu'encore une fois, j'étais en train de réussir à réaliser un de mes rêves.

Voilà, exactement.

Dans tous mes voyages, j'ai chialé plus ou moins. Enfin, plutôt plus que moins, soyons franc. Jusqu'à très récemment, je pensais que ces larmes étaient, sont, des larmes de joie, de bonheur. Mais il m'a fallut quelques discussions avec Christelle, mon acolyte d'Islande, ma mentor et plus encore, pour me rendre compte qu'il en est tout autrement. Il m'aura aussi, surtout, fallu une rupture des plus difficile, dont les prémices datent de cet été et qui fut actée le soir même de mon retour du Maroc.

Il m'aura fallu tout cela pour me rendre compte que ces larmes, ce ne sont pas des larmes de joie, mais de fierté. Et il m'aura fallu tout cela pour accepter d'être fier de moi, accepter que je ne suis pas un poireau dans la vie comme sur ma moto, que malgré tout ce que je peux dire et penser, je les fais ces voyages, je réalise mes rêves, tant personnels que professionnels, et que cela ce n'est pas forcément à la portée du premier venu. D'autant que je ne dois rien à personne...

Fier d'affronter mes peurs, fier de faire face à l'échec parfois, et de m'en relever, toujours, du moins jusqu'à maintenant. Fier du chemin parcouru depuis toutes ces années, chemin qui m'amène chaque jour plus loin. Et même s'il arrive parfois que je m'enlise un peu, je n'ai finalement jamais cessé de me battre, contre moi-même, cette maudite absence de confiance en moi, contre ma surdité, et bien d'autres choses suffisament graves pour qu'elles soient tues dans ce paragraphe qui frôle pourtant déjà dangereusement l'excès d'impudeur.

Ces larmes, qu'elles fussent versées en haut du col de l'Iseran ou de la Bonnette, quelque part en Autriche, dans le Landmannalaugar Islandais ou dans le désert Marocain, elles veulent dire tout cela. Ces larmes, qui chaque fois gomme un peu plus l'adolescent introverti que je fus, le jeune adulte qui a vécu des choses qui n'auraient pas du être - comme beaucoup d'entre nous même si j'ai fais dans l'originalité - et qui l'ont profondément bouleversé, pour laisser place à ce que je suis aujourd'hui : un homme qui a fait face, qui s'est construit malgré tout, et qui a, passé moi l'expression, bien niqué le destin.

Et ces larmes, dans mon cas, jaillissent d'autant plus facilement dans le voyage en solitaire, car il nous permet de faire le point, de faire face à soi même, à nos réussites, à nos échecs, à nos peurs et à nos envies, ce qui est déjà en soi un défi pour bon nombre de personne.

Le voyage ne ment pas, et il nous apprend plus que tout.

C'est peut-être pour cela que j'en ai autant besoin, de ces voyages, de ces défis, comme seul moyen d'analyser et d'extérioriser un vécu, des envies, et des émotions que le train train quotidien peut vite étouffer, nous éloignant par là même de ce que nous sommes réellement.
Le voyage nous permet de revenir plus fort, plus serein, plus clairvoyant, et de mieux appréhender la façon dont on veut gérer sa vie, de mieux appréhender ce que l'on veut, ce que l'on ne veut plus.

Je sais que si elle lit ces lignes, Christelle en sourira peut-être, m'ayant plusieurs fois engueulé sur ma propension à une auto-dérision qu'elle a toujours qualifié de suspecte : "quand on sait ce qu'il y a derrière, c'est pas anodin ! Arrête de dire que tu fais n'importe quoi, que t'es un conn*rd...Sois fier de toi un peu !"

Dont acte, j'étais putain de fier de moi...

Je suis fier de moi.

Et je souhaite à tous et à toutes de goûter ces larmes au goût si particulier, celui de la remise en question, de la (re)découverte de soi et de l'accomplissement de ses rêves, quels qu'ils puissent être.

Seulement, piloter les larmes aux yeux ce n'est pas bien pratique ! Je vais donc sécher tout cela rapidement pour redécouvrir les "joies" de la conduite sur sol sableux...
La conduite sur sol sableux, ou l'impression que l'on ne maîtrise rien, que l'on peut se prendre une monstrueuse pelle à n'importe quel moment, ou seul la confiance en soi et en sa machine permet d'éviter la chute. Car comme me l'avait doctement expliqué Christelle :

"La moto trouvera toujours son chemin"

Soit dit en passant, tout cela est un beau parallèle avec la vie, où l'on ne maîtrise rien mais où la confiance et l'envie nous permette de trouver un chemin, un jour ou l'autre.

Putain, c'est beau. Non ?


C'était l'instant philosophie de comptoir PMU.


Trêve de philo' digne d'un bar PMU le samedi soir dans un village de consanguins ivres, revenons aux dunes du Sahara...

Après quelques kilomètres, les voilà.


Et bim.

Nom de dieu, cette couleur ! Je n'avais jamais vu un sable comme cela. En même temps, jusqu'à maintenant je n'avais jamais vu le désert, le vrai !

Donc ça se tient.

Merci, Capitaine !

Mais cet instant aussi symbolique que bucolique va connaitre un petit coup d'arrêt. Car alors que j'évolue sur un terrain qui me semble ferme, ma roue arrière commence à chasser dans du sable. J'évite la chute, mais me voilà à l'arrêt et légèrement ensablé : impossible de repartir ! Et impossible de béquiller la moto !

Argh.

J'arrive tout de même à descendre de mon tromblon, et après quelques essais infructueux pour la sortir de là, j'essaie d'attirer l'attention des 4x4 qui passent au loin. Un premier, un second, un troisième. Et aucun ne change de direction pour se diriger vers moi.

Et il va sans dire qu'à 13h, aux portes du Sahara, même en plein mois d'octobre, il fait un peu chaud. 

Juste un peu. 

Mais j'avais bien réussi à sortir ma Versys de plus de vingt cinq centimètres de boue en Islande, alors je ne vois pas pourrquoi je ne réussirais pas à sortir ma grosse de dix centimètres de sable.

Je rassemble donc mes forces...

GNAAAAAA BAH OUUUUUH !

Et au prix d'un litre de sueur et de trois tassements de vertèbres, j'arrive à extraire la moto de ce petit piège, et me dirige maintenant vers une habitation tandis qu'un jeune homme vient à ma rencontre. Il travaille dans une maison d'hôte, me propose de venir boire le thé et de visiter sa demeure si jamais je voudrais passer la nuit dans le coin.

J'accepte plus que volontiers car la chaleur commence à être écrasante, surtout après ma petite séance de musculation improvisée...





Le jeune homme me fait faire le tour de sa propriété, me montre sa petite moto en réparation puis m'emmène dans le grand salon où seul un couple de touriste est présent, se déléctant d'un tajine. 
Il fait frais dans cette grande pièce sombre, je me déleste de mon équipement, et m'allonge en sirotant un whisky berbère gracieusement offert par le maître des lieux. 

Mon regard et mon esprit sont focalisés sur l'embrasure de la grande entrée de cette kasbah qui laisse paraître au loin les dunes du Sahara.



Je vais ainsi profiter de la fraîcheur pendant une petite heure, le regard perdu dans ce paysage que l'on devine au loin. Un petite sieste de quelques minutes finira de me redonner toute l'énergie pour repartir. Il est encore assez tôt, et je voudrais profiter de l'endroit tout en ayant l'objectif de faire un peu de route en fin de journée pour me rapprocher de l'Atlas.

Je prend donc congés de mon hôte, en le remerciant vivement pour son accueil et je repars à travers les pistes sableuses...









Je décide de rejoindre la petite ville qui donne un accès directe aux dunes, après quelques détours et quelques frayeurs, ces petites frayeurs qui vous font battre le cœur dix fois en une seconde. Car décidément, le sable, mon gros tracteur et moi, ne sommes pas les meilleurs amis du monde.

Ceci dit, certaines habitudes acquises en Islande reviennent, et je me surprend à décrisper la mâchoire pour enfin avoir un gros sourire aux lèvres, y compris quand ma roue avant semble n'en faire qu'à sa tête.

Car oui, la moto trouve à chaque fois son chemin ! Qu'on se le dise. Tout va bien se passer, tout va bien se passer, etc...

C'est sur ces pistes que je vais croiser mes premiers dromadaires.


Meuuuuuh.

Le désert, les dromadaires, les locaux tous habillés de grand chèche, j'ai simplement l'impression d'être dans un film, ou une carte postale.










Je ne sais plus si la petite ville suivante était Merzouga, ou une autre...






Mais elle m'offrira un accès direct au Sahara. A défaut d'y poser les roues, j'y poserais les pieds...



Etrange sensation.

Le côté mystique du désert est largement décrit dans la littérature, comme dans la cinématographie, et pourtant il faut y être pour réellement comprendre. Bien sûr je n'ai pu qu'effleurer cette sensation, n'ayant parcouru que quelques centaines de mètres dans ce sable à la couleur si particulière.

Et pourtant, aujourd'hui, j'ai une puissante envie d'y retourner et découvrir réellement ce lieu qui paraît tellement à part.




Tout cela vaudra bien un petit selfie en mode touriste !



Et puis il sera temps de reprendre la route, pour parcourir encore une bonne centaine de kilomètres. Les jours passent et mon but initiale pour ce voyage est surtout de profiter de l'Atlas. Merzouga et ses dunes ne devant être qu'un petit bonus. 
Ce fut finalement loin d'un bonus, car même si l'endroit est assez touristique, une des raison qui me poussera à ne pas m'y attarder pour la nuit, avoir pu fouler le sable d'un des plus grand désert du monde, et certainement du plus mythique, restera un souvenir fort.

En quelques kilomètres, le décorum va radicalement changer...











La journée se finira par une escapade d'une dizaine de kilomètres sur une piste de conn*rd où, laissant l'appareil photo bien au fond de sa sacoche, je vais abusivement jouer de la poignée droite et mon frein arrière, laissant derrière moi de larges nuages de poussière.

Comme si j'étais un pilot en gros.

La blague !


A l'attaque !

Un manière ludique de finir une journée extraordinaire, une journée où j'ai vraiment pris conscience de ce qui était en train de se dérouler : je suis en Afrique, tout se passe bien, je n'ai toujours pas perdu mes téléphones - et ça, c'est important, et surtout ce voyage commence à devenir un vrai cap dans ma vie.

Car découvrir en solitaire un monde si différent, à tous points de vue, qu'ils soient culturel, social, économique, environnementale, ne peut que vous affecter profondément dans ce que vous êtes. Cela ne peut que vous élargir l'esprit et battre en brèche beaucoup des croyances, des idées et des préjugés  que l'on a forcément sur le monde qui nous entoure.

Arrivée aux alentours de Tazzarine, il sera l'heure de se poser une grande question, terra à terre certes, mais non moins important :vais-je passer la nuit en tente ou à l'hôtel ?

Mais je vais me rendre à l'évidence. Premièrement, j'ai besoin de sommeil, car je ne vais pas pouvoir continuer à accumuler les mauvaises nuits. Et j'ai donc besoin d'un confort qui ici, pour un européen, ne coûte quasiment rien. La seconde, c'est qu'en dormant en tente, on est un peu coupé de la vie locale, alors qu'être assis à une terrasse ou dans un petit restaurant en observant l'agitation qui nous entoure est au moins aussi poignant que de voir les dunes du Sahara.

Je décide donc de me prendre un petit hôtel. J'y ferais la connaissance d'un vieux couple d'allemand en voyage depuis plusieurs mois dans la région, et celle du sympathique tenancier avec lequel nous partagerons quelques limonades et une cigarette qui fait rire pour finir la soirée.

Oui, je sais...


Ne l'oublions pas.

Et surtout, je vais y déguster mon premier vrai repas marocain : une omelette berbère. A se taper le cul par terre ce truc !

Je crois, car tout cela commence à être loin, que cette nuit fut bonne...heureusement, car le lendemain, les pistes seront rudes, et la soirée, alcoolisée, puisque je la passerais avec quelques motards français !

A suivre...

dimanche 4 février 2018

Maroc 2017 - Etape 4 : Vous voulez un whisky (berbère) ?


Ait Ayach - Er Rachidia

12 octobre





Aïe.

Aïe.

Aïeuuuuh.

J'ai beau être matinal...


J'ai mal.

Il faut dire que quand on se met à faire n'importe quoi - Into The N'importe Quoi (Inch Allah Style) - alors que sa condition physique est proche de celle d'un gastéropode arthritique, il n'est pas étonnant que l'on en paie le prix fort le lendemain. 
Je suis donc perclus de courbatures, et surtout, mon dos est en miette. Et je le connais ce dos, quand il est dans cet état, un rien pourrait le bloquer pendant dix jours. Cela m'est déjà arrivé en écrivant un SMS ou en passant l'aspirateur. En conséquence, si je n'ai pas arrêté les SMS, j'évite l'aspirateur.


Ça va, il y a de la marge.

Avec toutes ces conneries, je vais quitter mon hôtel fort tard, sur les coups de onze heures. Direction Midelt, la ville toute proche, puis peut-être le cirque de Jaffar. Enfin c'est ce qui était plus ou moi prévu à la base, mais vu mon état, et étant donné que la piste en question est apparemment assez ardue, je peux légitimement me poser quelques questions.

On verra bien.

Je démarre la moto, et me voici pour l'instant sur la route...


Vroum.


Et je rejoins rapidement Midelt.

Comme à l'accoutumé dans ces petites villes marocaines, c'est le bordel ! J'esquive vite les routes principales où la mort nous guette à chaque carrefour...

J'admets exagérer un peu, mais je ne suis absolument pas à l'aise dans ce tourbillon de véhicules circulant avec une logique que j'ai du mal à saisir, d'autant plus que je ne peux entendre les klaxons. Et le klaxon, ils aiment bien ça au Maroc !

Je finis par trouver une rue au calme pour poser la moto, et me voici parti en balade pour digérer mon petit déjeuné.

Beurp.




Rapidement, je tombe sur un petit garage où deux allemands font réparer leurs tanks. La situation à l'air délicate pour l'un deux, la tension est un peu palpable, et je sens que ce n'est pas trop le moment de discuter...



C'est alors que mon guide du jour va m'aborder...

Comme beaucoup de ces marocains qui m'abordent, il a quelque chose à me vendre : de beaux cristaux qui sont un peu la spécialité locale.




Je décline poliment, n'ayant de toute façon pas de monnaie sur moi. Mais comme souvent, ce n'est pas parce que je ne vais rien lui acheter qu'il s'en ira. Bien au contraire ! La discussion s'engage sur les teutons qui galèrent à côté, d'où je viens, pourquoi je voyage seul, sur lui, sur la région et pourquoi on y trouve autant ce genre de pierres. Et il va me conseiller sur les endroits à voir dans le coin.

Le cirque de Jaffar ? Très beau, mais effectivement assez délicat d'accès.

Alors il va m'orienter vers une piste à l'opposée, pour aller voir des montagnes qui apparemment valent le coup d’œil. C'est de la piste, mais propre, et ce n'est pas très loin...

Il m'a convaincu, ce sera donc mon expédition du jour !


Merci mec !

Après quelques nouveaux coups de tensions pour m'extirper du chaos routier urbain, me voici lancé dans la bonne direction.

Enfin je crois...

On est jamais trop sûr avec ceux qui sont dans ma tête.




Très rapidement, les paysages changent et les couleurs de ces vastes étendues deviennent un peu irréelles : rouge, orange, vert, parfois avec quelques touchent de bleu. Mon guide ne m'avait pas menti, ce détour en vaut déjà la peine !


















Les grands espaces vont progressivement laisser la place à de petits canyons. Et la route, elle, va laisser la place à une piste plaisante tout en étant facile. Enfin je dis cela, mais les mêmes pistes à l'époque de mon voyage en Islande m'auraient rendu dingues en me donnant l'impression d'être un aventurier !

Comme quoi, on peut dire ce que l'on veut, je progresse !

Il faut aussi avouer qu'après les quelques sessions pyrénéennes et ardéchoises que je me suis infligé cette année, couplées à ce que je me suis tapé hier, la notion de "piste difficile" a depuis quelques temps était repoussée significativement...

Bref...

C'est aujourd'hui exactement ce qu'il me fallait !









A la sortie du canyon, voilà maintenant très certainement la montagne dont le guide m'a parlé, avec ses strates colorées du plus bel effet.












Alors que je prends quelques photos, un homme s'approche de moi.

Lui aussi me propose quelques jolis cailloux. Etant presque sur ses terres, je lui en aurais bien pris une si j'avais quelques billets. Hélas, ce ne sera pas possible.
Il ne parle pas français, juste quelques mots, mais reste avec moi, alors que je contemple le paysage. J'essaye d'engager un peu l'échange, en lui faisant comprendre que je trouve cet endroit vraiment majestueux. Et il l'est !

Il sourit, en me tapant affectueusement sur l'épaule.

Puis m'invite chez lui boire le thé...je pense qu'il aurait été injurieux de ne pas accepter !

Et me voici quelques secondes plus tard dans le salon de sa petite maison en terre ocre. Quelques grands tapis, des coussins pour s'asseoir, une petite table basse en métal et en bois. La pièce est sombre et fraîche, une seule petite fenêtre occulté par un rideau dansant avec le vent laissant passer la lumière.

Hakim, puisque c'est son nom, me présente alors sa femme et son fils, dont le regard écarquillé et définitivement bloqué sur mon crâne ne laisse pas de doute : "mais c'est quoi ces trucs sur sa tête à lui ?"

Nous essayons d'échanger un peu mais le français d'Hakim est très limité et mon marocain est inexistant. Ceci dit on peut toujours se faire comprendre ! C'est alors que sa femme ramène donc le thé à la menthe. Le fameux thé à la menthe du Maroc.

C'est alors qu'Hakim me demandera, dans la seule phrase complète en français qu'il formulera devant moi :

"Vous voulez un peu de whisky berbère ?"

Et moi, j'aurais tellement voulu répondre :

"Juste un doigt".

La prochaine fois, je lui ramène le DVD.

Mais pourquoi "whisky berbère" ?

C'est avec de grands signes qu'il m'expliquera que ce nom vient tout simplement du fait que le thé ainsi préparé est très, très fort. Tout simplement !

Après deux petits verres de cette fabuleuse boisson, bien qu'un peu agressive pour l'estomac, d'où son surnom, il sera temps pour moi de repartir. Hakim et son fils me raccompagneront jusqu'à la moto, avant d'échanger un "au revoir" assez chaleureux !




Le chemin du retour se fera à bon rythme, mais je vais tout de même m'arrêter en raison de quelques douleurs d'estomac. Je dirais même des crampes...
Douleurs qu'à la base j'attribuerais au fameux whisky berbère sauf que la suite du voyage me prouvera que le mal est un peu plus profond que cela...

Bref, à partir de maintenant ça va être le désordre à l'intérieur, pour rester poli.

L'imodium, cet ami pour la vie.


Mais pour l'instant, tout est sous contrôle.









Après avoir évolué dans des paysages qui m'auront fait croire que je suis le fils caché d'Indiana Jones et de Mad Max - la médecine fait des miracles de nos jours, me voici de retour à la civilisation, où je vais pouvoir admirer ce qu'on pourrait appeler des...


Mécanos de l'extrême !


Là encore, Mad Max n'est pas loin...


Pour ne pas faire de jalouse, ma sauterelle obèse aura aussi droit à sa photo...





Un petit tour dans les rues aux alentours...










Et il sera temps de reprendre la route, la vraie...

Avec, encore et toujours, des paysages moches.


Dur.




Jusqu'à que le Maroc de carte postale fasse son apparition : celui des grandes étendues désertiques parsemées de palmiers ! Peut-être pas le Maroc que j'ai préféré mais celui qu'il faut voir malgré tout !










Et c'est d'ailleurs à ce moment là que je vais croiser mes premiers cars de touristes, et les premières têtes européennes du voyage.




En plus des touristes, c'est aussi la pluie qui se manifestera, et me poussera à tracer assez rapidement vers mon point de chute du soir : un "camping" dans la ville de Er Rachidia. De toute manière, il est déjà plus de 17h, et le soleil commence déjà à se coucher.

Un dernier ravitaillement en ville, l'occasion encore de profiter de cette ambiance qui me plaît tant. C'est difficile à faire passer en photo, mais je me sens loin, loin de mes bases, loin de tout ce que j'ai connu, et cela fait un bien fou !










Le camping en question sera bien un "camping" avec les guillemets, puisque je poserais ma tente dans la coure d'une Kasbah. Pas l'endroit le plus bucolique que j'ai connu, mais cela conviendra parfaitement pour la soirée !




Après quelques sodas partagés avec des jeunes du coins et le tenancier de l'endroit, je m'en irais me faire ma popote et écouter un peu de musique qui fait du bruit. Je ne sais pas si je dois préciser que ce soir là, je vais devoir me refaire trois fois des pâtes, ayant eu la fâcheuse manie de répandre mes deux premières fournées par terre en essayant de les égoutter.

Quand on a pas de cerveau, on a pas de cerveau.


Mon scan pré-implantation.

Il faut dire que le sommeil qui me fuit depuis le début du voyage n'aide pas, et ceci commence à plomber sérieusement mon état général et ma concentration - on se cherche les excuses qu'on peut. Mais je ne peux hélas pas y faire grand chose...

Ainsi va se clore une journée de voyage tranquille, où j'aurais pu faire une rencontre assez inoubliable autour de mon premier thé marocain, profiter de paysages sublimes, de pistes agréables, de cette ambiance indescriptible qui se fait sentir à chaque coin de rue, sans pour autant faire n'importe quoi, sans rien casser et sans rien perdre !

Et bordel, c'est mon sixième jour de voyage, et je n'ai toujours pas perdu mon téléphone !!

Miracle !

Tout va bien !


Très suspect...

Je vous rassure tout de suite, cela ne durera pas.

Mais cela dit, avant de tout casser ou presque, ce sont les dunes du mythique Sahara qui m'attendent dès le lendemain !


A suivre...