mercredi 4 mai 2016

Tour d'Islande 2016... Bilan, conclusion et perspectives




Un petit résumé du schmilblick...


Quelques chiffres pour commencer...

- 5500 euros, le budget approximatif - tout de A à Z, y compris la réparation de la fourche sur place et la valeur des équipements fournis par les sponsors
- 28 jours de voyage 
- 14 jours en Islande
- 3 jours dans les îles Féroé
5 jours de Ferry
- 6 jours d'autoroute
- 8200 kilomètres - environ puisque mon tableau de bord m'a lâché en cours de route ! 
- 1 casque offert par L'Equipement.fr, 1 ensemble touring offert par iCasque.com
- 1 transformation de mon tracteur en char d'assaut grâce à Touratech - dont les équipements m'ont clairement permis de finir mon voyage sans soucis malgré mes conneries
- 1 foule de support et de soutien absolument incroyable! Merciiiiii!!!!
- 2 téléphones explosés sur l'autoroute
- 1 enlisement
- 1 transformation en Hulk - qui m'a permis de sortir le tracteur de la boue, tout seul comme un grand
- 1 noyade (de moto) dans une rivière
- 1 vraie belle chute
- 3 ou 4 chutes à l'arrêt
- 1 rencontre improbable avec mes potes
- 1 rencontre qui me marquera à vie - Christelle, si tu me lis!
- 2 anges gardiens qui m'ont accompagné un jour un peu difficile
- Des dizaines de rivières traversées
- 1 aller-retour de connard en plein centre de l'Islande pour faire 1 photo 
- 1 coup de vent qui aurait pu mettre fin au voyage
- 1 changement de pneu folklorique
- 1 trains de pneus rincé à 90% (TKC80)
- 1 mariage et les 1000 photos qui vont avec
- Un nombre incalculable de fractures de la rétine
- Un certain nombre de "Allez, ça passe là, on y va!" fort téméraires
- Des centaines de kilomètres de pistes
- Des dizaines de cris de joies et de "qu'est ce que je fais là, bordel?!"

Et je pourrais en rajouter des chiffres, à la pelle - et dieu sait que j'aime ça, les pelles, surtout bien aiguisées. Mais ce qui restera c'est une seule chose.

Un sentiment.

Ce sentiment que j'ai pu éprouver de multiples fois dans ces contrées désertes, qui vous envoûtent, qui vous écrase même, de toute leur immensité. Ce sentiment de faire un truc dont je ne me pensais absolument pas capable, aussi. Pensez-donc, j'étais parti en me disant que "peut-être" j'aurais à traverser un ou deux gués pendant le voyage....et au bout de 48 heures sur l'île, j'en avais déjà franchi une dizaine, je m'étais déjà enlisé, j'avais déjà fait le connard sur des pistes défoncées et abruptes, j'avais déjà taper un camping sauvage dans un lieu d'une beauté à pleurer...sans rien, ni personne. 

Il n'y avait que moi, ma moto, ces paysages, et l'adversité. Ou plutôt, l'aventure.

Bref, ce qui restera, c'est donc un sentiment d'aventure. J'ai touché du doigt ce qu'elle peut être, l'aventure à moto. Bien sûr, l'Islande est à l'aventure motarde ce que le Futuroscope est au week-end en famille. Un moyen de se faire gentiment peur, d'avoir quelques frissons, de se sentir vivre, mais en toute sécurité. Evidemment, l'Islande ce n'est pas la Mongolie, la route du Pamire, ou je ne sais quoi encore.  



Oui, mais quand on est un poireau sans aucun sens de l'organisation, de l'orientation, ou du raisonnable, on s'en prend quand même plein la gueule - mon tracteur aussi, en a pris plein la gueule, au passage! Et jamais je n'aurais pu imaginer un instant vivre cela, être capable de cela, il y a à peine plus de trois ans, quand ma préoccupation majeure était encore de simplement pouvoir converser, échanger, communiquer avec mes semblables quels qu'il soient...


L'Islande est pour moi le tournant final, celui qui après trois années absolument dingues m'ayant vu revenir sur la voie d'une vie à nouveau pleine de perspectives, va peut-être me permettre de trouver maintenant ma propre voie, selon mes convictions et mes envies. 
Le tournant qui vous rappelle qu'il faut savoir quitter la route, les chemins tous tracés, pour vivre réellement. Les chemins tous tracés sont confortables, ils donnent l'illusion d'avoir un certain choix, tout en offrant un confort, on ne se met finalement jamais en danger. D'ailleurs, ce doit être les meilleures voies, puisque presque tout le monde les empruntes, non? Et qu'il est bon de se sentir protéger par l'approbation du plus grand nombre! 
Etant exclue par nature de ces voies communes du temps de ma surdité, je ne faisais que la rechercher cette approbation. Et j'ai fini par l'avoir lorsque j'ai recouvré l'audition, à la faveur notamment de mes activités de "photographe" ou grâce à ce blog...quelle sensation euphorisante d'avoir à nouveau pied dans une société, d'être sur ces chemins empruntés par la majorité, d'être à nouveau considéré, peu importe par qui, peu importe pour quoi, ou presque. 

Euphorisant, grisant, mais temporaire... car je me suite vite rappelé, après cette période de réapprentissage de la vie, que bifurquer vers l'inconnu en affirmant ses choix et les risques inhérents, dans la vie comme en moto, offre des perspectives bien plus réjouissantes que de suivre constamment le troupeau. Cela offre l'aventure, un agréable inconfort, des sentiments exacerbés, la découverte du monde qui nous entoure par delà les barrières que l'on voudrait nous imposer, la découverte de personnes hors normes que certains voudraient marginaliser, et la découverte de soi-même, encore un peu plus.

Mais je m'égare, je digresse...la frustration, peut-être.

Car c'est ce qui reste aussi, pour l'instant, de mon voyage en Islande: la frustration. Je me sens aujourd'hui comme un petit enfant gourmand à qui on aurait donné un petit bout d'un gros gâteau succulent ; je n'ai qu'une envie maintenant...repartir pour m'en taper une énorme part!

Et pourtant ce ne sera pas pour tout se suite.

Bouh.

Car alors que je posais mes roues en Islande cet été, c'est un bien plus grand voyage que j'avais entrepris, de manière inattendue, quelques semaines avant. Celui d'un changement radicale de vie professionnelle - accompagné d'un changement peut-être encore plus radicale de vie personnelle, mais ceci est encore une autre histoire.

J'ai plongé corps et âme dans une fonction où j'ai la charge d'offrir un support technique - dans un sens très large - aux hôpitaux qui posent des implants cochléaires.Du bloc opératoire aux salles de réglages, de la formation des cliniciens au support moral de patients un peu perdus, du dépannage le plus basique aux annonces d'explantations - pas les moments les plus gais du job, en passant par les réunions d'associations ou les interventions dans les écoles spécialisées, je suis un peu partout, mais pas souvent chez moi, ou plutôt "chez nous".

Il vient donc de s'écouler une année un peu folle où les projets du motard bionique sont passés au second plan, où l'équilibre dans ma vie personnelle fut parfois précaire, et où j'ai beaucoup donné à ma nouvelle fonction. "Trop" diront certain(e)s, peut-être avec raison, "trop" me dit parfois aussi mon grand corps tout mou, même si je suis encore persuadé que je ne pourrais jamais en faire assez pour ceux qui sont confrontés à la surdité.

Bref...

La conséquence première de cela, c'est que j'ai foutu trois plombes à écrire mes articles sur mes aventures Islandaises...je pense que vous l'aviez remarqué. 
La seconde, c'est que je n'ai même pas pris le temps de réparer mon tracteur - en même temps foutre le tiers de la valeur à neuf dans la réparation d'une meule qui n'a pas été ménagée, ça mérite réflexion
La troisième est que je n'ai pas pu vraiment pensé à la suite. J'ai essayer pourtant de faire des plans...j'ai même un -court- instant penser à partir au Cambodge, rien que ça!

Mais j'ai fini par accepter - difficilement - que cette année, je ne pourrais pas faire "plus". Pas faire plus que l'Islande.

"Plus, plus, encore plus", voilà le mot d'ordre depuis que j'ai commencé à voyager à moto: un petit tour de France de 7000 kilomètres trois mois après mon permis, un grand tour des Alpes jusqu'en Autriche l'année suivante, et ce tour d'Islande.

Cette envie de surenchère, elle fut un sujet de discussion avec mes copains motards, blogueurs ou voyageurs. Et de ces discussions m'est venu un constat. Un constat visant peut-être à me rassurer à mesure que je prenais conscience que cette année, je ne pourrais donc pas faire "plus". Peut-être...
Mais un constat, qui avec les jours qui filent, me semble tout de même valable: si l'on n'envisage plus le voyage autrement que par cette surenchère, c'est que quelque chose de néfaste s'immisce dans le désir de voyager. C'est que le voyage n'est plus que défi et non plus découverte. C'est qu'il en devient même peut-être juste une manière de satisfaire son ego - dieu sait pourtant que j'aime ça, satisfaire mon ego, mais il y a des limites! 

Mon voyage en Islande est pour moi la limite de ce que l'on peut faire en étant à l'arrache. J'ai frôlé la correctionnelle quelques fois, ma moto a fini par me lâcher peu après mon retour, et elle rouille maintenant sous sa bâche depuis quelques mois. Alors à quoi bon vouloir faire "plus" si je n'ai pas le temps de cerveau disponible pour m'y préparer réellement?

Alors cette année j'ai décidé de reculer, pour mieux sauter plus tard. J'ai aussi décider de cesser de ne penser qu'à ma gueule, accessoirement : dans quelques jours, un autre type d'aventure m'attend au pays du soleil levant. Une aventure sans moto, à pied, et...à deux ! Une grande première!

A notre retour, le tracteur partira en réparation chez un pote - cela fait juste 2 mois que je dis ça, mais bon... - , et il sera temps de lui trouver une grande sœur. Et pour l'apprivoiser, cette grande sœur, j'ai un petit projet. Un projet modeste, loin de l’attractivité d'un tour d'Islande, mais qui pourrait réserver de bonnes surprises et me faire reprendre contact avec le plaisir simple de rouler: les routes et les pistes de la péninsule ibérique me tendent les bras, et à défaut d'être paré pour aller en Afrique - un de mes autres rêves! - , pourquoi ne pas en profiter pour aller voir...

Le détroit de Gibraltar? (photo Google)

A suivre...