lundi 22 août 2016

Bardenas...1 - On the road again !

Pour la quatrième fois depuis que je suis motard, pour la quatrième fois depuis que je tiens ce blog, me voici en train d'écrire "On the road again !". Une tradition qui s'installe, après mon tour de France, mon grand tour des Alpes et mon tour d'Islande. Une tradition que je compte bien pérenniser.

Mais cette année, point de "tour" à l'horizon.

Bouuuuuh....
L'année écoulée, comme je l'ai déjà assez expliqué (lien: Ré-activation), fut assez folle d'un point de vue personnel et je n'ai ni eu le temps, ni l'énergie, de préparer une grosse escapade de conn*rd comme les années précédentes. Pas de vrai voyage bling-bling pour me la jouer pseudo-aventurier, et ainsi flatter mon ego, mais il y a encore à peine deux ou trois semaines je m’apprêtais à partir une dizaine de jours en Espagne, complètement à l'arrache.

C'était le plan. Et c'était déjà pas mal. 

Avec un potentiel certain de grand n'importe quoi, il faut bien le dire.

Mais voilà, la vie réserve des moments désagréables, que l'on a du mal à relativiser et pendant lesquels les priorités ne sont plus les mêmes. Et j'avais eu tendance à l'oublier depuis que j'ai mes oreilles bioniques dans la tronche, que je suis sorti de la surdité, que j'ai donc le sourire niais du gars revenu de loin, heureux quasiment tout le temps, les turpitudes de la vie glissant la plupart du temps sur moi comme la pluie sur un blouson en gore-tex.

Putain, bordel, c'est beau ce que je dis même si ma phrase fait quatre lignes, avec en plus une répétition moche...

Bref, pour aller droit au but, cette grosse escapade de dix jours s'est finalement transformée en une grande balade de quatre jours...enfin trois...parce que bien sûr, même sur un laps de temps aussi court, j'ai (encore) fait n'importe quoi!

Mais ça, j'y reviendrai. Plus tard.

Commençons par le commencement...

Nous sommes vendredi 12 Août, il est environ onze heures du matin. Je viens de jeter quelques affaires dans mes valises. Deux t-shirts, trois sous-vêtements, quelques doublures pour la pluie, une bombe anti-crevaison, mes ustensiles pour oreilles bioniques, mon appareil photo, mon téléphone et de quoi camper. Rien de plus.

Je branche mon GPS tout beau, tout neuf... Oui, moi qui n'ai juré dans mes voyages que par les bonnes vieilles cartes papiers, j'ai craqué pour ce machin de bourgeois, en parfaite adéquation avec ma nouvelle moto de pourriture capitaliste. Un machin assez inutile à la base, donc parfaitement indispensable comme disait l'autre, et qui va s'avérer en fait ho combien pratique. Je me dis même que j'ai avoir du mal à faire sans maintenant...je me fais vieux! 

Ceci dit, je suis chauve, sourd, j'ai mal au dos, j'ai de l'arthrose au bassin, deux vertèbres soudées, de la tension et du cholestérol...donc j'ai le droit d'avoir un GPS. Voilà.

CQFD.


Je branche donc Tom - on va lui donner un petit nom, ce qui objectivement est un peu flippant et témoigne en partie de ma santé mentale précaire...Donc je disais, je branche Tom, je sélectionne la fonction "Route sinueuses", option "On ne cherche pas à comprendre", et je tape ma destination: le désert des Bardenas, en Espagne.


Dites bonjour à Tom, mon nouveau copain !

Où vais-je dormir? 

Je n'en sais rien, et je m'en fous.

Par où vais-je passer? 

J'en ai rien à battre, car dans tous les cas je vais traverser les Pyrénées. Et les Pyrénées, ça poutre.

Pour l'instant ce que je vois, c'est Tom qui m'indique un road-book de 500 kilomètres en 9h30. Et autant vous dire qu'après les longs mois de disette motocycliste qui me furent imposés, la proposition de Tom me plait.

Beaucoup.

Je sens qu'on va bien s'entendre, petit coquinou.

C'est donc parti sur les routes de Gironde puis des Landes. Autant vous le dire tout net, ce coin là est un enfer pour motard : un purgatoire à coup de lignes droites où le seul plaisir qui nous reste est de rouler plein gaz sur les trottoirs à la sortie des crèches...

Hum, je ne sais pas si je fais bien de dire cela.

Passons.

Des lignes droites, certes, mais il fait beau, je suis sur ma moto, je suis bien. Les choses vont quand même devenir un peu plus intéressantes à partir de Bayonne. J'entre au Pays Basque, qui est finalement l'exact opposé de ma région d'adoption : un paradis du deux roues offrant en plus de magnifiques paysages.

Tom m'embarque alors sur des petites routes dégueulasses bourrées de virolos, me fait passer dans des petits hameaux complètement paumés, je slalome entre bouses de vaches, vaches qui déposent des bouses, moutons complètement cons, et fermiers de l'ETA...

Mon dieu, que cela fait du bien !
Mon nouveau tracteur - formidable - aime ça, j'aime ça, et après quelques jours où les envies de sourire furent rares, c'est une jolie banane qui commence à apparaître sous mon casque.

Il est 14h20, et il est temps de prendre une première photo.



Je vais donc enchaîner les petites routes pourries et rigolotes....



...avec des routes toutes aussi rigolotes mais beaucoup moins pourries, et donc nettement plus poussent au crime.


Et puis il sera temps d'attaquer les cols Pyrénéens. Des cols de toutes tailles, des toutes petites routes défoncées et étroites sur lesquelles mon tracteur vole littéralement en gommant les imperfections du revêtement, en passant par les grands cols touristiques où je croiserai moult motards se faisant allègrement plaisir.




De tout l'après-midi, je ne verrais pas une ligne droite, ou presque, ni une ville, à peine une pompe à essence. Tom me fait passer dans des endroits souvent complètement paumés et toujours extraordinaires, que cela soit en terme de paysages ou de plaisir de conduite. Décidément, si je pouvais lui offrir un verre, je le ferais. Mais si je lui jette une binouze dessus, ce con risque de moins bien fonctionner, et ce serait gâcher.

Tout au long de cette chevauchée, l'appel des chemins de traverses se fait entendre dans mes oreilles bioniques. Mais je veux me réserver pour le désert des Bardenas, et éviter toute chute prématurée.

Je me connais, donc je me méfie.

Ceci dit, parfois, on craque. Au sommet d'un col, je vois ces deux traces longeant les flans de cette petite montagne. C'est tellement beau, cela pourrait faire une chouette photo, et puis bordel, j'ai une Africa Twin, il faut que je la sorte de la route!

Si j'ai fait des tests sur chemins plus ou moins sableux vers chez moi quelques jours auparavant, tests qui m'auront valu une ou deux sueurs froides, je suis encore très loin d'être à l'aise dans l'exercice...et c'est donc avec le cœur battant à un rythme de 180 pulsations par minutes que je m'engage dans ce chemin, avec un objectif, un seul : ne pas foutre la moto par terre ! Cela arrivera fatalement, mais c'est encore trop tôt !

Je pense que ça valait le coup !
Quelques centaines de mètres plus loin, et alors que j’hallucine quand même un peu sur la facilité avec laquelle mon énorme tank se joue de ces petits chemins, me voici face à une butte.


J'irais bien jouer un peu...mais ce n'est pas l'objectif de la journée, et j'aimerais arriver au désert des Bardenas à un horaire raisonnable. Alors je choisis de faire demi-tour et de reprendre ma marche en avant. Restera de ces quelques centaines de mètres une belle fracture de la rétine, deux photos plutôt sympas, et une jauge de confiance en la moto qui commence à bien se remplir.

Je repars donc pour vite rejoindre des cols plus confidentiels, aux routes plus ou moins propres...



Mais qui dit petit cols et petites routes, dit aussi nombreux dangers. Les trous, nid de poules, plaques de graviers sont facilement absorbés par la moto. Les caisseux roulant en plein milieu des voies et ne sachant prendre leur virage, on les connait, on s'en méfie. Reste alors un danger pour moi inédit et fourbe : les vieux.
Car une fois passé en Espagne, je vais affronter une nuée de personnes déambulant plus ou moins aléatoirement aux alentours de chaque petit village. Courbées, le pas lourd et hésitant, mains dans le dos ou bras ballant, elles errent surement à la recherche d'un coin d'ombre, ou de je ne sais quoi. Ils sont partout : sur les bancs, sur la route, dans les virages. En petit groupe, ils vous regardent d'un air torve, voir complètement vide.

Un peu comme ça...

...mais en plus vieux, et avec des bérets.
Et quand on tombe là-dessus en sortie de virage, cela surprend...

Ho bordel ! Vite, fuyons !

Il est alors 17h30, cela fait six heures que je suis parti, et pourtant la journée est très loin d'être finie. Je continue à enchaîner joyeusement cols sur cols. Et chaque kilomètre parcouru agrandi le sourire que j'ai sous mon casque ! Les sensations sont là, l'Africa Twin est facile, et c'est avec un plaisir fou que je la fais bondir de virages en virages !

Je profite des rares bouts de lignes droites pour faire des pauses, fumer un peu et boire beaucoup d'eau.

Argh.

De l'eau.

Beurk. Mais vu la chaleur, et - accessoirement - vu que je conduis, il n'y a pas trop le choix, la bière ce sera pour ce soir!



Vers 18 heures, je vais quitter les cols et leurs paysages verdoyants. L'ambiance va carrément changer...

C'est légèrement plus sec...
Après quelques lignes droites et un peu de grosse route, Tom va vite me ramener dans les endroits que j'affectionne : les endroits paumés !









Décidément, il est bien brave ce Tom !

Et je vais continuer à tracer ma route vers Ejea De Los Caballeros, une ville proche du désert des Bardenas dans laquelle je compte me ravitailler un peu - à ce stade là de journée, il faut vous avouer que je n'ai quasiment rien mangé !

C'est à la nuit tombante que je me gare sur un trottoir de la ville. Rapidement, je tombe sur un petit supermarché dans lequel je vais acheter quelques victuailles et boissons au houblon. Après un petit coup de fil et un sandwich rapidement avalé, je repars vers le désert des Bardenas.

Il est plus de 21 heures, et sans que je ne le sache encore, c'est une "deuxième" journée qui commence!

Je ne sais pas trop où je vais, mais j'y vais, c'est l'essentiel.

Alors que j'arpente de nouveau une grosse nationale, je vois dans la lueur de mes phares un panneau  d'un fort beau gabarit indiquant le parc naturel des Bardenas. Mais je suis passé trop vite, impossible de m'arrêter ou de faire demi-tour. Je ralenti le rythme, parcours encore quelques kilomètres, quand d'un coup...

Je mets mon clignotant, je sors de la route...

Nous y voilà.
Il est 22h50, et se pose alors une question...où dormir?

J'ai bien vu des panneaux indiquant vaguement un camping peu après Ejea, mais j'ai bien roulé depuis. Il y a une grosse ville un peu plus loin, mais bon...ça ne me stimule pas trop.

Par contre, dormir à l'arrache dans le parc, voilà qui est beaucoup plus enthousiasmant même si je doute un peu de la légalité de la démarche. Ceci dit, pour l'instant, point de panneau interdisant un camping.

Et puis, je n'ai qu'à rouler un peu dans ce chemin, et on verra bien !

Je m'engage, c'est plutôt facile, et les quelques centaines de mètres que je comptais faire vont se transformer en quelques kilomètres. Les parties juste gravillonneuses et plates alternent avec des dénivelés et des séquences plus accidentées, je roule tranquillement et une seul chose en ressort : le plaisir ! Le plaisir du pilotage, le plaisir de faire n'importe quoi, aussi, puisque maintenant je peux le dire :

Je me suis tapé les Bardenas de nuit, et ça, c'est la classe !


Pour les paysages, on repassera. Les seules choses que je vois ici sont des sortes de champs labourés et des herbes. Je sais de toute façon que je ne suis pas vraiment dans le désert à proprement parlé, mais plutôt sur les hauteurs qui l'entourent. Après quelques kilomètres de pistes - où je ne vais croiser nul trace de présence humaine, je vais faire face à un terrain pour le moins impraticable. En tout cas de nuit et seul...

Il est donc temps de faire demi-tour et de me trouver un coin où poser mon matelas. Car c'est décidé, ma nuit se fera à la belle étoile!

Peu de temps après, il est temps de sortir le matelas et l'apéro...

Un matelas, un duvet, à manger, et des bières...que demander de plus?

Mais avant cela, j'ai bien évidemment immortalisé le moment avec une petite pose de conn*rd.

C'était une obligation.

L'idée que j'avais en tête fut un misérable échec, il en restera cela...

Après les zombies, place au fantôme bionique tendance Power Ranger...n'importe quoi.
Je pose ensuite mon fessier mou et plat sur mon matelas, à la lueur du clair de Lune. Deux bières et autant de clopes plus tard me voilà prêt à m'installer dans mon duvet. Je vais imaginer quelques instants me faire attaquer dans mon sommeil par un serpent belliqueux ou un sosie de Clint Eastwood - il faut dire que l'ambiance s'y prête -  ce qui va me pousser à m'interroger sur le bien fondé de ce que je suis en train de faire. Mais cela ne durera pas.

Je m'installe, un peu de musique dans les oreilles. L'atmosphère se rafraîchit, le vent se lève et s'engouffre dans mon matelas par bourrasque. Les morceaux d'Iron Maiden, System of a Down et Nirvana s’enchaînent, mon esprit se perd dans de nombreuses pensées diverses, et le sommeil tarde à venir.

Mais peu importe, je suis bien. Au calme. Tranquille.

C'est alors que je ré-ouvre les yeux et sort la tête de mon duvet. Ma moto, énorme, semble veiller sur moi avec son regard félin. Le vent continue de souffler, je ne l'entends pas mais le sens sur ma peau. Sa fraîcheur fait un bien fou après cette longue journée de canicule.
La Lune a disparu derrière une hauteur, et les étoiles sont apparues, innombrables. J'arrive même à discerner la voie lactée... Je fixe le ciel, du Portishead dans les oreilles, et c'est alors que va commencer une vraie pluie d'étoiles filantes comme je n'en avais jamais vu.

Un moment parfait.

Juste parfait.

La coutume veut que l'on fasse un vœu lorsque l'on aperçoit une étoile filante. Le moment pousse à l'introspection et cette simple pensée va me faire beaucoup réfléchir - oui, j'en suis capable de temps en temps. Qu'est ce que je voudrais vraiment? Quel vœu je pourrais bien faire ?

Il y a quelques années, la réponse aurait été simple : entendre.

Aujourd'hui, la réponse est tout aussi simple, mais bien différente : rien.

Rien, car pendant cette nuit, et après plus de trois années post-implantation menées tambours battant, je me rends compte que j'ai tous ce que j'aurais pu rêver : une compagne aussi tarée que moi que j'aime comme je n'ai jamais aimé avant, un boulot valorisant à tout point de vue et qui fait que je me sens utile, des passions qui me stimulent, un blog qui soigne mon ego hypertrophié et quelques potes sur qui je peux vraiment compter. Et puis bordel de merde, j'entends !

C'est quand même un truc de dingue quand je prend le temps de repenser à comment était ma vie "avant".

Que vouloir de plus? Allez, si on cherche un peu, j'aimerais trouver un peu plus d'équilibre entre ma vie personnelle et professionnelle afin de garder un peu plus d'énergie pour entretenir ma créativité, ou avoir l'occasion de faire un énorme voyage. Mais bon, franchement, pas besoin d'un vœu pour cela, je n'ai qu'à me sortir les doigts des sphincters quand j'ai des coups de flemmes ou de fatigue !

Alors que vouloir de plus?

Rien.

C'est avec le sourire aux lèvres, et une larme de bonheur dans le coin de l’œil, que je vais longuement observer le ciel, ses étoiles, jusqu'à finir par m'endormir sur les coups de 4 heures du matin...

Un moment magique, inoubliable.

J'aurais bien voulu que cela dure encore un peu. J'aurais bien voulu passer une nuit de plus comme cela. Mais hélas, pendant que je faisais le point sur ma vie, j'ai oublié de faire un vœu qui aurait pu être utile...

Celui d'être un peu moins con et dilettante...car à cause de cela, le lendemain, ce ne sera pas franchement la même ambiance !

A suivre...

































4 commentaires:

  1. ahhhhhhh!! encore encore encore!!

    RépondreSupprimer
  2. Ça fait presque romantique 😉

    RépondreSupprimer
  3. Vite la suite s'teplé!

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Et bien faut juste cliquer sur "article plus récent" ou aller dans les archives du blog dans la colonne de droite ;)

      Supprimer