mardi 16 février 2016

Tour d'Islande...17 - A la recherche du précieux (part. 4)


Quelque part pas loin du Mordor - Reykjahlid

Mardi 11 Août



Et voilà, nous y sommes. Pas d'échappatoire, une seule issue possible. Dans 48 heures nous devons être, Christelle et moi, sur le pont du Ferry. Et entre nous et la route principale, se dresse presque 100 kilomètres de piste, et surtout, la...

Rivière de la Mort.

Ta da da da! *musique angoissante*

Celle où je me suis planté la veille, celle qui a noyé mon moteur. Si nous avons eu un immense coup de bol en croisant l'Agence Tout Risque hier soir, rencontre ayant abouti à une remise en état improbable, nous sommes bien conscient que cela ne pourra pas se passer une deuxième fois ainsi. 
Il va falloir franchir les gués et affronter les pièges de la F-88 sans trembler, sans tomber. Sinon ce sera la sanction: rentrer "à pied" et faire rapatrier la moto. 

Et il va aussi falloir que le tracteur tienne le coup, car très rapidement, je vais pouvoir me rendre compte que malgré la vidange de la veille, mon huile moteur est encore laiteuse...il y a donc toujours un peu de flotte dans la mécanique. Et ça, c'est pas bon.

A peine quelques centaines de mètres et nous voilà face à la première "flaque" de la journée...celle que nous avons passé la veille alors que Christelle me tractait à la sangle. Si je suis en mode "on y va, je les emmerde tous, banzaïiiiii!", cela ne va pas m'empêcher d'avoir la boule au ventre. Pourtant c'est bel et bien une flaque qu'il y a devant moi, rien de méchant.

Oui mais, depuis hier soir, je me rends compte que la bonne marche d'un voyage tient vraiment à peu de choses, surtout quand on commence à faire prendre des bains à la mécanique.

On se lance, la traversée se fait sans encombres, elle permet de reprendre confiance...un tour de chauffe, en somme. Un petit coup d’œil dernière moi...


Note: la plupart des images de cet article sont des captures d'écrans tirées de la future vidéo qui viendra agrémenter le blog dans quelques temps.

Et nous disons adieu à ce petit refuge...Adieu aussi, à ces quelques heures de folies qui ont failli mettre fin à mon voyage et qui ont connu un dénouement assez fou. Mais tout ça c'était hier, c'est déjà loin, il est temps de reprendre notre marche en avant.

Nous voilà à rouler pendant quelques kilomètres sur une piste facile et propre....La moto marche bien, il fait beau, le vent s'est calmé, la journée démarre idéalement.

Elle sera parfaite.







Et au bout de vingt minutes environ...la voici:

El Riviera de la Muerte. 
Ou plutôt, pour rester dans le local: Áin dauðans.
Ou un truc dans le genre - j'ai moyennement confiance en Google Translate.

Aujourd'hui on va éviter de tomber...
Le palpitant s'emballe...il faut dire que depuis hier soir, rien n'a bougé. Le niveau est toujours aussi haut, le courant toujours aussi fort. On se range sur le côté de la piste, j'enlève quelques sacs, nous sondons à nouveau les points de passages.

On fume. On re-fume.

Puis il sera temps...


Christelle se poste aux endroits qu'il ne me faudra pas dépasser sous peine de me retrouver dans des zones un peu trop profondes pour mon tracteur, puisque nous avons eu la preuve hier que ce dernier n'est pas amphibie. Je me lance, et l'opération poireau va alors commencer. Contrairement à la veille, je vais écouter mon acolyte du jour...et passer ce gué par pallier de 10 ou 15 mètres afin de limiter le risque de se faire déporter par le courant.

Une traversée de poireau, certes, mais l'important c'est d'arriver de l'autre côté, peu importe le style!

Il va donc ne pas falloir faire de fausse manip' et garder du gaz bien constant, pour éviter que l'eau ne s’engouffre dans mon pot d'échappement, bien logé sous ma moto. Hé oui, quitte à traverser des gués, autant le faire avec une moto absolument pas faite pour! Le contraire serait trop facile!

C'est dans ce genre de situations que le fait de ne pas entendre sous mon casque est quelque peu problématique. Mais quelques signes valent parfois tous les discours...


"Va voir là-bas si j'y suis!" Et j'y suis allé...




J'approche de la berge...pour l'instant tout va bien, jusqu'ici tout va bien. Christelle me rejoint à chaque petit arrêt pour s'assurer que je garde la bonne trajectoire lors de mes relances...Le courant est fort, mon souffle est court. Fort heureusement, l'adhérence n'est pas si mauvaise, les relances se font sans gros problèmes, la présence de Christelle juste à côté de moi me rassure, même si bien sûr elle ne servira pas à grand chose en cas de chute.

Et puis...




Presque sans m'en rendre compte, je me retrouve au bord de la berge. Je m'arrête une dernière fois...ce serait dommage de se planter là, sur ce tas de gravier, alors autant prendre son temps.

Je souffle un grand coup...je repars...ce petit moment m'a paru si long.

Et voilà. C'est fait!
J'avance encore un peu, je m'arrête, je coupe le moteur. Je suis à bout de souffle, complètement vanné. Pas tant par l'effort physique, mais par le stress. Je descends de ma moto, et je vois alors Christelle tout sourire me faire un signe...

Victoire!!
Je reprends mes esprits...c'est certes un soulagement, mais ce n'est pas fini, il faut maintenant que Christelle passe. La voici donc qui va se préparer pendant que je me poste à un endroit stratégique, et que j'admire le paysage!

Encore un paysage dégueulasse!
Quelques minutes après, elle se lance...

Et là, ça va être un poil folklorique.



Pourquoi ça?

Parce que n'entendant rien - je n'ai pas pris le risque de me brancher, ayant trop peur de perdre ou d'abîmer mes oreilles dans l'eau - je ne vais pas entendre ses "Pousse! Pousse!". Et là, certains se demanderont pourquoi elle avait tant besoin que je pousse la moto alors que moi je suis passé sans encombres?

Bien sûr son enclume - pardon, sa moto, je suis juste jaloux - est "légèrement" plus lourde que la mienne. C'est une explication, mais pas la seule. En effet, et je ne l'ai appris qu'il y a quelques jours, Christelle a oublié de désactiver son anti-patinage, ce qui, dans ce genre de situation, n'est pas franchement une bonne idée.

Pas du tout.

Bravo Christelle, tu as gagné un point "Boulet"! ;)

Mais je mène toujours sur un score de 431 - 1.

Bref, passons...


En raison donc des petits problèmes sus-mentionnés, la traversée de Christelle va être un peu plus sportive que la veille...




"Pousse! Pousse!"

Ouais, mais en fait là, j'entends pas. Donc je vais rester planter un peu comme un gland. En bon et digne fils du chêne, faire le gland, ça me connait - dédicace à quelqu'un qui se reconnaîtra.

Finalement, quelques signes plus tard...


Me voilà derrière la moto à assister les relances en poussant...C'est un peu la lutte, mais on avance au final sans problèmes majeurs, et à aucun moment je n'ai eu peur que Christelle aille faire trempette...


En approche...
Et environ quinze minutes après que je me sois lancer à l'eau, nous nous retrouvons tous deux de l'autre côté...

Ça y est c'est fait, le plus dur est derrière nous !

Une petite capture d'écran, pour un grand moment.
C'est bien à ce moment là que je l'ai trouvé, "mon précieux". Un sentiment que mes lacunes littéraires ne me permettent pas de vraiment décrire. Ce précieux moment où l'on se rend compte que l'on réalise des choses auxquelles nous n'aurions pas osé penser et où, pourtant, on se sent dans son élément et où l'improbable - toute proportion gardée, nous n'avons pas grimpé l'Everest en tongues - devient naturel.

Ces gués, ces pistes, ces rivières, ces chutes, les casses mécaniques, le tractage à la sangle, les campings sauvages, les trous, les dérapages, le vent...bref tous ce que j'ai vécu pendant ce voyage, ces instants fous pour moi, gros poireau que je suis, pour arriver à ce moment où l'on se sent "juste" bien face au défi qui se présente devant soi, et où le relevé n'est plus un soulagement mais un plaisir presque coupable.

Ce précieux moment où l'on sait que l'on peut (presque) tout accomplir juste en ayant confiance en soi.

Mais trêve de balivernes de Bisounours, il est temps d'immortaliser l'instant...

Le souvenir d'un jour parfait.
Si nous avons passé le plus dur, il reste tout de même dans les 70 kilomètres de pistes avant de rejoindre la civilisation. Nous remontons donc sur les bécanes sans nous attarder plus que cela, et allons rejoindre un beau petit terrain de jeu...un ensemble de pistes bourrées de petits virages et de dénivelés qui fait regretter de ne pas maîtriser l'art du tout-terrain et du "travers de porc"  - les motards comprendront -, parce qu'il y avait de quoi bien faire le conn*rd, version champêtre!









Au cours de cette chevauchée, nous nous octroierons quelques pauses photos...enfin disons que Christelle va me mettre la misère plusieurs fois, pour m'attendre ensuite et en profiter pour immortaliser le "Troll" - oui, elle m'appelle comme ça, mais elle vous le racontera très certainement.


Côté pile...


Côté face... (photo: Christelle \ traitement: Moi)
Encore quelques kilomètres...


Et nous voici face au second gué de la journée...peu profond et avec un courant assez faible, il pourrait être tentant de le passer à l'arrache. Mais là encore, nous allons prendre notre temps. Il est hors de question de pécher par excès de précipitation. Et puis c'est surement ici la dernière traversée d'une véritable rivière de mon voyage. Autant la savourer...






Cela se passe on ne peut plus tranquillement pour moi...Et il en sera de même pour Christelle...


Par contre, le groupe de motard arrivant en sens inverse quelques minutes plus tard va nous donner des sueurs froides. Voilà leur leader qui commence à se jeter là-dedans sans avoir pris la peine de sonder le cours d'eau, et va droit vers le passage le plus profond, qui pour le coup, était impraticable! Comme quoi, des boulets, il y en a des pires que moi!

Quelques grands gestes plus tard, accompagnés de quelques indications, et voici toute cette petite troupe prenant en fin de compte le bon passage. Mais il m'arrive de me demander comment ils ont finalement négocié la rivière de la mort!

Encore une petite séance photo...




(photo: Christelle \ traitement: Moi)


(photo: Christelle \ traitement: Moi)


Jolly Jumper (photo: Christelle \ traitement: Moi)

Le parcours va se faire à bonne allure. Ces pistes qui me paraissaient si traîtres hier, sont arpentées aujourd'hui avec dynamisme et confiance...je laisse la moto trouver son chemin. Genoux fléchis, buste et bras détendus, les légères glissades dans les endroits sableux ne me font plus peurs, et c'est presque en toute décontraction que je profite de ces derniers instants d'aventure en Islande.







Enfin, en toute décontraction, je ne sais quand même pas, car quelques kilomètres avant de rejoindre le bitume un constat s'impose...


J'ai vraiment la gueule de merde du gars qui en peut plus! 

Une dernière petite flaque, sous le regard amusé d'un pilote de quad...





Nous y sommes presque...



Quand sur les coup de 15h environ, un dernier paysage s'offre à nous, avec à côté, la route. La civilisation.

(photo: Christelle \ traitement: Moi)
La civilisation, et la fin de l'aventure...enfin ça, c'est ce que je croyais, car c'est ce moment là qu'a choisi ma moto pour afficher, de manière très subliminale - dans un premier temps -, un petit voyant...rouge.

Mais j'y reviendrai plus tard, car ce n'est pas le sujet du jour.

Bref...

Après quelques dizaines de kilomètres de route, nous revoilà à notre point de départ. Ce petit café où nous nous étions rejoint avec Christelle 36 heures plus tôt.

Trente-six heures qui marque toute une vie. Ou du moins la mienne.

C'est bizarre, car c'est au moment où j'écris ces lignes, que je repense à ce petit café, ce moment anodin après nos folles aventures partagées, que j'ai les yeux qui se troublent et la gorge qui se serre.

C'est en fait avec beaucoup de nostalgie que je me rappelle cette journée, et avec beaucoup de nostalgie que j'ai écrit cet article...à tel point que je n'ai même pas eu l'inspiration pour y caser quelques blagues immorales et images débiles. A tel point aussi que j'ai beaucoup de mal à le finir. Peut-être une façon de repousser la fin du blog, qui mettra un terme définitif à cette fabuleuse aventure?

Une bonne question à poser à mes psychiatres, à n'en pas douter.

Enfin je dis ça, mais je ne suis pas encore rentré. Ce soir là, après avoir quitter Christelle - non sans nous être donné rendez-vous sur le ferry le sur-lendemain -  je ne le sais pas encore mais c'est une autre histoire qui m'attend au tournant.

Une histoire qui va me pourrir très sensiblement la fin de mon voyage.

L'étrange histoire du voyant de pression d'huile!

A suivre...






3 commentaires:

  1. Pauv' tracteur ... tu lui en auras fait voir des vertes et des pas mûres ^^
    Bravo à vous deux pour avoir affronté une seconde fois la rivière de la mort avec succes !!

    RépondreSupprimer
  2. Merci pour ce récit Adrian. C'est émouvant et me rappelle vraiment ce que nous avons vécu

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est Christelle qui vient de publier en "Anonyme"... Suis plus à l'aise avec JJ que sur le net !

      Supprimer