dimanche 18 octobre 2015

Tour d'Islande...9: Vive le vent, vive le vent...


Reykjavík - Stykkisholmur

Mercredi 4 Août 





Aujourd'hui, après plus de vingt-quatre heures de pause contrainte et forcée, je vais enfin pouvoir faire réparer ma moto...et reprendre ma marche en avant.

J'aurai du donc me lever de bonne heure, au taquet, en mode "je suis trop motivé" et "je vais bouffer du kilomètres". Ouais bah ça, ce sera pour plus tard. Je vais surtout me lever méchamment à l'arrache, remballer mes affaires comme un sagouin, partir comme un voleur, et arriver vingt minutes à la bourre au garage.

Le viking me servant de mécano embarque le tracteur, et m'annonce quatre heures de boulot. Le temps de baver devant quelques motos, dont une splendide BMW F800 GS type Adventure, et d’enchaîner une bonne demi-douzaine de café, me voilà sombrant dans les bras de Morphée alors que j'étais le nez dans ma carte afin de me décider sur le trajet du jour. Il faut dire que le canapé était fort confortable.

Alors que je suis en train de baver sur le dit canapé en rêvant de marmottes, d'enfants et de congélateurs, je sens quelqu'un me tapoter l'épaule. A deux doigts de foutre un méchant coup de pelle à l'odieux malotru osant me tirer de mon sommeil, je me rend compte que c'est mon viking préféré qui m'annonce que le tracteur est prêt. Avec une heure et demi d'avance!

Wouhou!

Ceci dit la facture ne sera pas plus légère...Mais c'est avec un grand soulagement qu'après un calcul de conversion euros-couronne islandaise me demandant de puiser dans mes ressources cérébrales, je vais me rendre compte que le prix est assez raisonnable. En tout cas pas plus cher qu'en France.

Woouhou! (bis)

Bref...elle est là, et en ordre de marche, fièrement parquée à côté de celle du mécano tendance cuir-moustache.


Un petit arrêt à une pompe à essence, et me voilà reparti sur les mêmes routes que j'ai emprunté lors de ma petite boucle improvisée il y a deux jours. Mais cette fois j'ai des freins, et des suspensions, cela va donc être nettement plus festif, tout en restant raisonnable. Ou presque.

Maintenant que je suis parti et à peu près réveillé, le but de la journée va être simple: rouler. Rouler longtemps. Rattraper un peu le temps perdu.

Mais alors que je quitte définitivement la région de la capitale, je vais avoir droit à un invité surprise. Du genre de ceux qui s'incruste alors que personne ne veut le voir à la fête. 

Le vent.

Un putain de vent de malade...

De ces quelques routes sans intérêt majeur je vais garder le souvenir du stress, du cœur qui s'emballe un peu, du souffle court, et de la prise d'angle presque maximum alors que je roule en ligne droite. Mes bandes de peur sont quasiment bouffées...

Un peu plus et je posais le genou en ligne droite...l'exploit.
J'ai connu de gros épisodes venteux pendant mes voyages, surtout lors de mon passage vers Marseille lors de mon tour de France, mais ça...


C'était du brutal.

Et pourtant, je n'ai encore rien vu, ce soir, ce sera bien pire!

Mais nous n'y sommes pas encore...Il est pour l'heure temps de faire une première petite pause.





L'ambiance a bien changé depuis mes jours dans le n'importe quoi sauvage et le landmannalaugar (voir les articles précédents). Je suis passé des champs de pierres volcaniques et des endroits désert à des paysages bucoliques, où l'eau et la verdure occupent toute la place. Il y a même...des arbres! De vrais arbres! Les premiers que je vois depuis que j'ai foutu les pieds en Islande!

Je vais alors me diriger vers un parc naturel...là encore c'est vert, très vert!




Trop vert...

Charmant, mais pas franchement exceptionnel, je ne vais pas m'attarder. De toute façon, le passage par ici n'a qu'un vrai but: prendre ma petite dose de piste avant de rejoindre les fjords... Alors je bifurque...









Le vent est toujours bien présent mais nettement plus tenable qu'en tout début de journée...ça ne va pas durer. Et je vais attaquer mes premières gravel roads du jour, avec une appréhension croissante au fur et à mesure que les bourrasques reviennent secouer mon tracteur...

La conduite debout va tout de même limiter la prise au vent, les routes sont propres, ça tourne comme il faut, et je vais donc tout naturellement faire un peu le conn*rd! Je commence vraiment à prendre mes aises, appréciant de plus en plus ce léger flottement de la roue arrière quand la vitesse approche les trois chiffres...









Et je vais engranger les kilomètres, limitant les pauses photos mais faisant tourner la caméra...enfin, c'est ce qui aurait du normalement se passer. Car comme je suis un gros boulet, je n'avais pas fait attention à un point essentiel: la carte mémoire est pleine. Mais ça, je ne m'en rendrai compte qu'en de journée.

Argh.



Maudite caméra.

Mais passons...







Il fait froid, le vent souffle fort, vraiment, mais je roule, je roule, et qu'est ce que c'est bon! J'essaie d'en profiter un maximum malgré ce vent générateur de stress, d'autant plus que je sais que ce sont mes dernières pistes avant quelques jours. 

C'est alors que je vais me retrouver face à un vrai dilemme...

On joue? Ou on joue pas?

A ma gauche, une piste. Et du vent.

A ma droite...heu...une piste aussi. Et du vent, pareil. Et un panneau en plus, indiquant en gros une route franchement dégueulasse.

En général, j'aime jouer et faire n'importe quoi, vous commencez à le savoir. Mais je viens juste de récupérer mon tracteur...je veux rouler...et si jamais j'ai de nouveau un problème, je n'ai plus vraiment de marge de manœuvre financière pour y faire face. Alors je vais être sage, et prendre à gauche.

Bouuuuuh! C'est nul.

Mais je me vengerai! (Et plutôt deux fois qu'une, dans une rivière, plus tard...)

Je vais donc continuer à faire un peu le conn*rd sur des gravels roads bien propres, les kilomètres défilent, la poussière vole. Bref, je me tape mon petit Dakar à moi!

VROUUUU....




...OUUUUUU...



....OUMMMM!!

Tout cela dans un cadre de grandes prairies bucoliques...







Et puis je vais quitter les pistes, retrouver la route...et le vent. Non pas celui qui rend la conduite juste délicate et un peu plus fatigante, mais bel et bien celui qui nous fait craindre l'accident à chaque instant. Si dans un voyage les galères font les bons souvenirs, les heures qui vont suivre ce jour là resteront à jamais classées dans les mauvais.


A staurm iz komigue...

Je vais donc arpenter mes premières routes officielles du Nord-Ouest en affrontant un vent sur-réaliste. Moto penchée plein angle alors que je suis en ligne droite, palpitant qui bat à 170, souffle court et muscles raidis, je vais me battre de toutes mes forces non seulement pour rester sur ma voie de circulation, mais surtout pour ne pas finir dans le fossé...de la voie opposée!

Et évidemment, presque pour la première fois depuis que je suis en Islande, il y a de la circulation. Je croise des voitures toutes les trente secondes et à chaque fois je me vois finir dedans tellement ce vent souffle.

C'est réellement épuisant, et je commence à avoir vraiment peur que cela se finisse mal...en plus il fait froid. Que du bonheur.

J'ai envie de rouler et de ne pas m'arrêter pour quitter ce coin en ayant l'espoir que le vent se calmera un peu plus loin. Mais j'ai besoin de repos et de me mettre des gants chauds. Je m'arrête alors sur le bas côté de la route, je béquille la moto, elle penche alors en contre sens du vent. Je descends et alors que je fouille dans ma sacoche je vais la sentir bouger ! Alors évidemment elle n'a pas décollé, elle a du se soulever d'un millimètre, mais clairement le vent est tellement puissant que la moto bouge réellement! Je vais alors la changer de sens pour mieux l'orienter par rapport au vent, et la manœuvre sera des plus périlleuse...heureusement que je suis grand et j'ai de bons appuis!

Bref...c'est la misère.

Mais c'est beau.








Et je vais reprendre ma route...

C'est infernal, je finis par même sortir le genou pour mettre tout mon poids sur le cale-pied et me permettre de lutter contre ce maudit vent. Plusieurs fois je ne vais pas y arriver...me retrouvant alors projeté sur la voie opposée sans que je ne puisse y faire grand-chose.

Si il y avait eu une voiture arrivant en face lors de ces quelques moments, je ne serais pas là à écrire ces lignes, très clairement.

Il est 16h quand je vais voir sur le bord de la route un petit café. Je vais m'y arrêter pour me mettre au chaud et boire quelque chose. Au final je vais y rester plus d'une heure.

Car je n'ai aucune envie de repartir...cette perspective m'angoisse. Je ne veux pas. Je resterais bien là pour la nuit, mais ça ne changera rien, la météo annonce les mêmes conditions le lendemain.

Alors je vais finir par repartir...et le vent s'est calmé! Ouf!


Le moment où je me suis dit que j'en avais fini avec ce vent...

Ce ne fut en fait qu'un bref moment d'accalmie. Et alors que je me relâche un peu, une bourrasque de vent va m'envoyer à quelques centimètres du fossé...de la voie de gauche. Le tout avec une voiture arrivant en sens inverse à deux cents mètres de là.

Je ne me suis pas pissé dessus. Mais ce n'était pas loin.

La voiture ralentira, et je vais réussir à regagner ma voie de circulation.

Cela va continuer comme ça encore quelques kilomètres avec une chance tout de même: le vent est maintenant constant. En position déhanché sur ma moto, celle-ci inclinée comme si je prenais un virage bien serré plein gaz alors que je parcours une ligne droite, la situation me semble surréaliste.

Et terriblement dangereuse.

Puis je vais prendre de l'altitude. J'espère alors que le vent va se calmer significativement, mais que nenni!
Et me voici alors sur des routes de cols qui tournent bien comme il faut, avec parfois des petits ravins aux abords de celle-ci. Je n'en peux plus, je ne regarde même pas les paysages, et les rares pauses que je vais faire ne seront là que pour me reposer et éviter la crise cardiaque.






Passé ce petit col, les choses vont revenir peu à peu à la normale. Certes le vent est toujours extrêmement présent mais ne demande alors qu'à lutter un petit peu. Rien de comparable avec ce que je viens de vivre.

Encore quelques kilomètres de pistes...



Et me voilà dans les Fjords....














Il est plus de 20h et je commence à avoir une très forte envie de me poser quelque part. Il est un peu délicat de faire du camping sauvage par ici, je vais donc encore rouler un peu en direction du prochain camping officiel...









Un petit détour non voulu, encore un peu de froid, un premier camping indiqué sur ma carte dont je ne vais pas voir trace, un peu de pluie, et voilà que j'arrive dans un lieu assez étrange. Des monts rougeâtres, des roches volcaniques recouverte d'une mousse presque blanche, épaisse et moelleuse. Un décor fantastique qui, hélas, donnera des photos quelconques ou presque. Et pourtant, c'était extraordinaire...








Quelques centaines de mètres plus loin, je vais enfin poser mes roues au camping...enfin "camping", je ne sais pas si c'est le bon mot. Deux petits baraquements abandonnés, une table en bois élaborée par Robinson Crusoé, un barbecue de fortune, et un évier avec l'eau courante.

Je suis fatigué, je veux me poser, ce petit lieu à son charme, alors je plante ma tente sous le "soleil de minuit"...même si en fait il est 22h...bref, tout ça pour dire que ce n'est pas ce soir que je vais avoir le droit à une nuit noire, et ça fini par être un peu déstabilisant!



Pas de nuit, et pas de connexion internet...je vais alors en profiter pour me concentrer sur mon blog. Ainsi, après un repas vite avalé mais qui aura fait le plus grand bien, je vais m'atteler à rédiger quelques brouillons d'articles.

Beethoven avait sa cinquième symphonie, moi, j'ai mon Blog. Ce qui est beaucoup plus utile à l'humanité.
La fin d'un grosse journée, la première "vraie" journée du voyage en terme de temps de roulage avec environ dix heures de route et plus de trois cent kilomètres parcourus. Une journée éprouvante aussi, en raison de ce vent. Une journée où pour la première fois depuis que je fais de la moto, j'ai eu peur. D'ailleurs je pense que cela se sent à la lecture de cet article, où sans le chercher, j'ai glissé beaucoup moins de blague vaseuse qu'à l'habitude...Une journée étrange. Je ne sais pas bien expliquer pourquoi!

Par contre le lendemain, ce ne sera pas la même histoire. Car le lendemain, pour la première depuis le début de ce voyage en Islande, je vais vivre une journée...heu...

Normale!

Enfin presque...

A suivre...





4 commentaires:

  1. Franchement Adrian tu nous fait toujours rêver malgré tes problèmes qui resterons pour toi un souvenir inoubliable. J'aurais aimer faire comme toi .Mais je n'ai pas le matériels et la moto Mdrr.
    Elisabeth Laviale

    RépondreSupprimer
  2. Toujours aussi captivant...la peur est bien là... j'en ai des palpitations... merci ! :-)

    RépondreSupprimer
  3. Pour moi aussi, ma plus grosse peur à bécane, ce fut à cause du vent. Tu parlais de Marseille, et bien oui, ce fut avec ce même fichu mistral, sur l'autoroute. Ce n'est pas de ces peurs furtives, qui te provoquent une grosse sueur froide, c'est-à-dire au final qu'une frayeur d'un instant... non, là, avec le vent, ça n'en finit pas... t'as l'impression d'avoir une petite faucheuse qui plane au-dessus de toi pendant des kilomètres interminables, prête à dégainer dès la moindre grosse bourrasque. A te lire, ta faucheuse était d'un level bien supérieur à la mienne...
    A part ça, encore beaucoup de plaisir à lire tes aventures... merci pour cela. :)

    RépondreSupprimer