mercredi 2 décembre 2015

Tour d'Islande...13 - Quand le destin et la raison s'emmêlent.


Saudarkrokur - Svalbardseyri

Dimanche 9 Août



Avant de commencer cet article, j'avais dans l'idée de l’appeler « Une journée de merde ». Ceux qui me suivent s’en rappellent peut-être, mais dans mes deux autres voyages - à lire dans les archives du blog - il y a avait déjà un article intitulé de la sorte.

Dans tous voyages, je pense qu’il y a une journée « sans ». On a moins envie, on est fatigué, des choses nous tracassent…peu importe, le fait est que notre esprit n’y est pas trop.

Mais au final, cette journée, elle fut (très) loin d’être vraiment merdique. En faite j'ai juste fait preuve de raison, voir même de sagesse! Ce qui est quelque chose d'assez perturbant pour moi! Cette journée, elle fut aussi l’exemple même des conséquences que peuvent avoir de toutes petites décisions sur le cours d’un voyage, et peut-être même d’une vie: des petits riens qui vont me mener vers une grande aventure, tant motarde qu'humaine.

Certains appelle ça le destin.

Moi, le destin, je n’y crois pas trop, et au pire, j’aurais plutôt tendance à lui donner des coups de pelles et à lui botter le cul. Mais parfois il faut savoir se laisser faire…

Bref…Voici comment un « je ne le sens pas trop », un « je suis fatigué », et un « je veux dormir au sec » vont radicalement changer la fin de mon voyage.

La veille, je me suis pieuté à 2 heures du matin afin de partager une vidéo foireuse - voir article précédent - presque uniquement destiné à glorifier mon ego hypertrophié – tout comme ce blog d’ailleurs, ne soyons pas hypocrite. Et donc, mon ego ce matin là, il va être un peu à la ramasse, et ma tête, elle, sera dans mon cul.

Comme ça, sauf que mon pyjama n'a pas de rayures...

Le matériel chargé sur la moto, je vais me descendre une citerne de café en m’interrogeant sur le programme du jour. Oui, oui, je suis un garçon prévoyant qui ne fais jamais rien au dernier moment… *ahem*

Je fais alors face à un dilemme, un vrai débat cornélien: soit je repars dans les terres dès aujourd’hui, soit je roule en direction de l’Est pour m’attaquer les jours suivants à la région d’Askja, plus loin à l’Est. Je suis censé faire un choix, n’ayant plus que quatre jours à passer sur l’île.
Ceci dit, à cet instant, je n'ai pas trop envie de réfléchir et de risquer une crampe de cerveau. Je repère alors vite fait une piste sur ma carte, regarde les boucles potentielles possibles à partir de celle-ci, remarque les nombreux gués à traverser…Si j’avais vraiment réfléchi, si j’avais été (un peu) intelligent, si j’avais ne serait-ce qu’un demi cerveau, je n’y serai pas allé.

Donc, bon…bah j’y suis allé.

Gné-hé
Me voici donc reparti…




Par la route d’abord…



Puis très rapidement par des gravel-roads...



Le tout sous l’œil, non pas de moutons peureux, mais de grands chevaux en liberté qui m’accompagneront pendant quelques centaines de mètres – j'espère que j’ai ça en vidéo... ce sera la surprise quand enfin je regarderai mes rushs.




Et des chevaux qui pose bien, en plus.

Des gravels-roads, des  grandes plaines, je roule et m’enfonce dans les terres…avec un peu d’appréhension. Beaucoup, en fait. Car je sais que je vais de nouveau jouer à...la roulette Islandaise !

*ta da da*

(voir ici: Into the n'importe quoi (part 2)).

Je le veux, je le cherche, mais ce n’est pas pour ça que j’y vais l’esprit léger. Oui, je suis un homme plein de contradictions – il y a un pléonasme dans cette phrase, le trouverez-vous ?

Passons…et roulons.

Vrouuuuum.




Au bout de quelques dizaines de kilomètres, ce qui devait arriver, arriva... 

Un gué. Youhou!

Il n'a pas l’air méchant comme ça, mais il y avait quand même pas mal de flotte, un grand trou dû au passage de 4x4, et un peu de courant. Surtout, alors que je sonde tout cela à pied, les pierres me semblent bien grosses. Point de graviers ou de sable ferme, mais de vrais beaux galets glissants.

Je remonte sur ma moto, souffle un grand coup, et j’y vais.

Ça secoue d’abord, puis ça glisse, ça dérape, ça part à droite, à gauche, au gré de ces grosses pierres. La seule chose que je me dis alors, c’est que si j’avance, je garderai l’équilibre, alors j’avance, je maintiens les gaz, je regarde devant moi et je désactive totalement mon reliquat de neurones actifs…et ça continue à secouer et à glisser de partout.

Voilà, je suis sur la berge! Et maintenant que j’écris ces lignes, trois mois après - déjà !! – je me demande encore comment je ne suis pas tombé. Mais vraiment!
Le premier gué de la journée franchi, et la confiance en prend un coup. C'était chaud! Et il y a en peut-être bien une dizaines d'autres derrière...Je commence à ne plus trop sentir cette escapade…je trouve même que ça pue.

Ça pue les problèmes. Ça pue la chute, Ça pue la panne.

J’ai presque frôlé la semi-correctionnelle quelques jours plus tôt en m'enlisant tout seul au milieu de nulle part, puis en explosant ma fourche, et forcément, ça me travaille.

Mais je continue…une belle session de piste, durant laquelle je vais même improviser un petit dérapage salutaire, puisque sans ça, j’étais bon pour finir au pied d'un talus cinq mètres plus bas…il faut dire qu’il était fourbe ce virage à 180° planqué juste en haut d’une côte !

Quand tout d’un coup…

Heuuuuuuu?

Pas de réseau internet - forcément -, pas de réseau de tel, et me voici face à ce panneau. 

Qu'est ce que ça peut bien être???

Une route coupée ? Vu le temps ces derniers jours dans la région, ce ne serait pas impossible…une propriété privée ? Un troupeau de castor-zombies belliqueux ?

Décidément, je ne le sens pas, et c'est de pire en pire…

Et un sage motard m’a un jour dit :

« Si tu ne le sens pas, tu ne le fais pas ».

Alors…je vais faire demi-tour.   

Bouuuuuuh.

Je ne le sens pas (bis) aujourd’hui, c’est comme ça. Je vais faire demi-tour, avancer vers l’Est rapidement, me coucher tôt, pour aller à Askja demain. Car demain est un autre jour, et que la région d'Askja à l'air sublime. Voilà le plan de bataille!

Et oui, mesdames et messieurs, ce jour là, j'ai été….

Raisonnable.

Bordel.

Ça fait du mal à écrire.

Me voilà alors reparti dans l’autre sens, une partie de moi complètement dépité par ce renoncement, avouons-le, même si je suis persuadé de faire le bon choix. J’aime faire n’importe quoi, mais je n’aime pas pour autant me jeter dans les problèmes délibérément.
Et puis je ne le sens pas (ter), voilà, c’est tout !

Je vais donc repasser ce fameux gué, et pour ce second passage aussi, je me demande encore comment je ne suis pas tombé ! Puis il y aura de nouveau ces mêmes pistes et ces grandes plaines, avant de rejoindre la route et les gravel-roads…










Tout ceci ne m'empêchera tout de même pas de prendre des petits chemins de traverses de temps à autres…




Le temps est vraiment maussade, il fait assez froid, il pleut un peu. J’ai envie de dormir au sec et au chaud, mais je dois économiser et j’ai déjà pris une chambre d’hôte hier…

Enfin, je verrai ça plus tard, pour l’instant je continue de rouler…















Et vers 16 heures, alors que la pluie se fait plus présente et que la luminosité diminue, je me convainc qu’une petite journée de roulage et une vraie nuit de sommeil me permettront de profiter pleinement de mes trois derniers jours en Islande...il faut parfois savoir reculer pour pouvoir mieux sauter!


Encore quelques kilomètres de paysages moches...




Au détour d’un virage dans une petite colline, je vais m’arrêter à un hôtel…je me dis que ça va me coûter encore un rein – à force, je suis obligé de les voler sur des enfants sans défenses, ça fait longtemps que moi je n’en ai plus à vendre. Mais peut-être ont-ils ce que l’on appelle une « sleeping bag accomodation » ? On dort avec ses affaires de camping dans un dortoir, et c’est en générale un bon compromis pour pioncer au sec sans avoir à faire du trafic d’organe.

Et bien, ce sera banco ! Puisqu’ils m’offriront donc un matelas, dans une « petite » chambre à un prix défiant toute concurrence.

Un dortoir pour moi tout seul! Cela aurait bien mérité une pose de conn*rd!

Un dortoir pour moi, des bières à un prix raisonnable, internet, et même un terrain de basket couvert (!!!), me voilà fort bien tombé. Plein de bonne humeur, avec du temps devant moi et une connection internet plus que correcte, c’est alors le moment idéale pour demander des nouvelles de Christelle qui elle aussi roule quelque part en Islande.
Christelle, c’est elle que j’ai rencontré au début de mon voyage par un hasard total, le jour où j'ai roulé sur une autre planète.

Si j'avais suivi mon plan initial, si comme d'habitude j'avais mis ma raison de côté pour faire n'importe quoi, si je n'avais pas voulu dormir au sec avec un certain confort, si je m'étais arrêté dans un truc miteux sans Wi-Fi correct, ou si j'avais prolongé ma journée de roulage, je n'aurais pas pu, ou pas eu l'idée de contacter Christelle...et cela aurait été bien dommage.

Christelle c’est une vrai aventurière, une vraie routarde, chevauchant les routes d’Europe depuis presque 30 ans. Une personne assez incroyable de flegme et de relativisme, même pour moi qui relativise (presque) tout, (presque) tout le temps. 
Et alors que nous nous donnons quelques nouvelles, nous découvrons que nous ne sommes pas loin l'un de l'autre, et surtout, que nous avons en tête d'aller au même endroit dès le lendemain: Askja.

Ça n'a pas l'air dégueulasse comme coin...

(Photo Google - Auteur inconnu)

Et si le lendemain nous allons bien nous rejoindre et partir en direction de ces fabuleux paysages, d'Askja, je n'en verrai en fait rien.

Mais au lieu de ça, je vais, ou plutôt, nous allons, vivre quelque chose qui n'a pas de prix et qui vaut tous les paysages du monde: une grande aventure pleine de n'importe quoi, avec une amitié qui s'est forgée à coup de gaz, de rivières traversées aux forceps, de danses de la victoire, de pistes improbables, d'angoisses, de joie, de chutes, de défis, de bière miraculeuse, et de partage. Une amitié peut-être éphémère - je ne sais si je reverrai un jour Christelle - mais qui me marquera pour la vie, j'en suis certain.

A suivre...


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PS 1: Le titre de cet article est une petite dédicace à Delphine, alias L. S'emmêle, qui fabrique des bijoux pour aides auditives et implants cochléaires...une démarche importante permettant aux malentendant(e)s de mieux accepter leur matériel!

Ca se passe là: http://l-semmele.com/



7 commentaires:

  1. Au top comme d'habitude. Vivement que tu nous fasses quelque chose de bien avec tes vidéos.

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    1. J'en suis pas convaincu...les rushs vidéos sont très fragmentaire et surtout la caméra est souvent mal placé. On verra!

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  2. Et finalement ça veut dire quoi ?
    Google traduction donne le début, ça a l'air gentil mais la fin ça coince.

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    1. Ca veut dire qu'il fallait juste refermer après être passé... ^^

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    2. Zut... pas drôle... mais tu as sans doute fait le bon choix quand même... et la prochaine fois s'il y en a une tu l'emprunteras ;-)

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  3. Toujours aussi passionnant... me tarde la suite ;-)

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