vendredi 22 août 2014

Tour Des Alpes... 5: Un grand moment de n’importe quoi

Etape 5: Un grand moment de n’importe quoi

Altdorf (Suisse) - Solda Sulden (Italie)



Ce matin-là, levé de bonne heure, mon premier réflexe sera de jeter un coup d’œil par la fenêtre…il a plu toute la nuit, et ça continue. Le brouillard, ou devrais-je dire les nuages, sont aussi de la partie. Il va donc me falloir des forces, et je vais d’un pas léger défoncer le buffet petit dej’ de l’auberge.

Pendant que je me sers un kilo de fromage blanc à la fraise accompagné d’un autre kilo de flocons d’avoine au pépites de chocolat, un gars d'une soixantaine d’années m’interpelle. Avec ses mains il me fait comprendre qu’il me parle de mes implants, et me lance : 

« Are you the devil ? »

Pour rester dans une ambiance anglophone, je dirais…

« What the Fuck ? » …ce qui en français pourrait se traduire par…. « Gnééé ? »

En fait je ne le savais pas…mais je suis HellBoy.

Sauf que moi, j’ai pas besoin de me limer les cornes, je peux les débrancher.

Il faut savoir que tout les jours ou presque je croise des gens interpellés par mes implants…normal.

Il y a différentes catégories :

-Les gens qui me demandent, par pure curiosité, ce que c’est. Je me fais alors toujours un plaisir d’expliquer, et très souvent, je vois apparaître sur le visage de ces gens un grand sourire car il trouve cela merveilleux. Je ne peux que leur donner raison !

-Il y aussi les regards…les gens qui me dévisage…les jours où je suis de mauvaise humeur, cela à tendance à me saouler, mais la plupart du temps cela m’amuse. J'en tire même une certaine fierté, avouons-le.

-Et puis il y a une dernière catégorie…ceux qui me demandent ce que c’est mais avec un ton narquois, voir condescendant, s’imaginant que je me la pète avec le dernier truc bluetooth à la mode.

Je pense que Mr. Devil peut être classé dans cette catégorie.

Et dans ces cas là, je réponds, stoïque, de but en blanc, un truc du genre :

« Ce sont mes oreilles artificielles/bioniques car je suis sourd, si je n’ai pas ça je n’entends rien », avec ce genre de tête...

Je suis un pov' piti n'handicapé
Et à chaque fois, ça ne loupe jamais, je vois les gens devenir blême et se décomposer…bah oui mon gars, t’as pas été fin, ça t’apprendra ! Voir ces têtes, voir ces gens ne plus savoir où se mettre car ils ont pleinement conscience d’avoir été un peu maladroits, voir complètement cons (mais rarement), est un des menus plaisirs sadique que m’apportent mes implants chaque jour. Niark. Niark. Niark.

Bref, une fois Mr. Devil remis à sa place, et après une petite discussion avec le patron qui s’est confondu en excuse à la place du dit Mr. Devil, je charge mes affaires.

Et c’est parti. Dans une atmosphère…hum…opaque.



Avec, d’entrée de jeu, l’attaque de mon premier col de la journée. Dans le brouillard donc, mais aussi sous la pluie.

Et je grimpe…



Je n’y vois rien, je roule à 30 km/h, les warning allumés, et la visibilité ne dépasse pas 50 mètres. C'est la lutte, mais c'est aussi très beau! Seulement, vu la visibilité réduite c'est vraiment délicat de s'arrêter sur le bord de la route pour prendre des photos.

J'arrive enfin au sommet de ce petit col...



Et cela va se dégager…un peu. Laissant apparaître de fantastiques paysages magnifiés par l’ambiance que donne ce temps…pourri, n’ayons pas peur de le dire.







Et puis je vais redescendre dans la plaine…


Pendant deux heures environs je vais enchaîner des routes sympathiques mais sans plus, avec un temps mitigé, une alternance de soleil et petites averses… 

A un moment je vais croiser un con de motard bloqué dans ses sacs, et emballé dans un déguisement de TeleTubbies, il a pas l’air fin comme ça lui…

Le TeleTubby de l'Enfer! 

Déjà que j’ai toujours du mal à m’imaginer être un motard, me voir comme ça, ça m’a filé un choc ! 

A un moment je croiserais deux demoiselles en détresse avec leur caisse qui fume…je m’arrête pour leur porter secours tel le chevalier servant. Tadadam! Mais fort heureusement, elles n’avaient besoin de rien...ce qui fut un grand soulagement, car moi et la mécanique, ça fait 12…au minimum.


Bref...

Je continue.



Va alors suivre un moment un peu galère où je vais emprunter une vraie grande route, genre voie rapide (beuuurk), une succession de tunnels, le tout accompagné de quelques problèmes d'orientation et de pluie. Je suis parti depuis plus de 5h, et il a plu pendant les 2/3 du trajet...et à ce stade là je commence à avoir les pieds mouillés. Et c'est quelque chose de très désagréable. Mon casque et mes gants sont imbibés depuis quelques temps maintenant.

Puis je reviens dans des routes qui donnent le sourire. D'ailleurs c’est marqué dessus…

Soyons smart...pas très dissuasif je trouve!

Le truc c’est que très vite le temps va encore se dégrader, et les routes vont (re)devenir (très) humide, voir carrément détrempées. Mais avec ces conditions, les cols prennent une vraie dimension sauvage et ce sont des paysages presque irréels qui s'offrent à moi...

Et il n'y a personne...le pied!



En prenant de l'altitude, le froid vient s'ajouter à la pluie. Le tout avec des routes qui ne sont principalement que successions d'épingles. Les pneus n'arrivent pas à chauffer...et j'ai l'impression de conduire sur une patinoire.

J'arrive enfin au sommet, il est déjà presque 15h, cela fait plus de 6 heures que je conduis quasiment que sous la pluie, et c'est le deuxième col que je me fais dans des conditions pas possibles.

Quand t'en chies, c'est selfie.

Je vais tout de même avoir droit à une petite accalmie, pendant quelques minutes…c’est le moment de se fumer une clope et de faire une pose de connard !

Je l'ai bien mérité!

On se sent tout petit...



Et puis c’est la descente, toujours en mode patinoire…et très vite je vais enchaîner un nouveau col, toujours sous la pluie, dans le froid mais aussi dans les nuages. Je vois à peine les bords de la route...et je ne pourrais même pas prendre de vraies photo. Ceci dit, cela s'est dégagé vers le sommet...

Je commence à fatiguer. Un peu.
Je vais ensuite redescendre dans la plaine, toujours sous la pluie, bien sûr…les conditions sont assez extrêmes, la fatigue se fait plus que sentir.

Je vous avoue qu'il y a tout un passage de le journée dont je n'ai pas vraiment de souvenir...des routes de plaines, surement, empruntées sous la pluie, c'est certain.

Mais il est maintenant 16h30 et voilà que j’attaque un nouveau col. L’Umbrail, celui précédant le mythique Stelvio. .

Il pleut. Des cordes. Il n’a d’ailleurs pas vraiment arrêté de pleuvoir depuis ce matin. Mes gants sont complètement imbibés de flotte. Mes bottes ne sont plus étanches, et mes pieds sont trempés. Le bas de mon pantalon aussi, tout comme mon tour de cou et même l'intérieur de mon casque. Autant dire que j'ai vraiment froid.

Et je monte…et enchaîne d'innombrables épingles plus ou moins serrées…

Une version large...les autres je ne pouvais pas m'arrêter.

Et ça n’arrête pas…il y en a des dizaines…avec le froid, la pluie, les écoulements de flotte sur la route, j’ai plus que jamais l’impression de rouler sur une patinoire, et je dois parfois m’y reprendre à deux fois pour passer certaines épingles. Je suis ultra crispé, fatigué, au taquet…et accessoirement, je commence à avoir faim, n'ayant rien mangé depuis le matin même.

Mais les paysages sont magnifiques encore une fois, et puis quelle ambiance…et que de n'importe quoi ! C'est l'aventure, c’est le sentiment de vivre un truc un peu fou qui domine et qui me file un gros sourire, intérieurement ! Parce que extérieurement, je n’en mène pas large…

Je vais tout de même avoir droit à une portion moins exigeante, me permettant de prendre quelques photos.




C’est à ce moment là que je vais commencer à péter un plomb…j’ai des crises de fous rires, et je verserais en même temps quelques larmes…des larmes de joie peut-être, des larmes de celui qui se sent vivre, très surement ! 

Je n’en peux plus, je suis essoufflé, je me parle tout seul…et je continue, toujours sous la pluie, toujours trempé, avec le froid qui devient de plus en plus prégnant. Et enfin j’arrive au sommet !

C'est. La. Lutte.




Un motard passant par là (le seul que j’ai vu ce jour là), n’ayant pas l’air super frais non plus, se chargera de me prendre en photo…dommage, c’était un poireau de la photo, il a cadré ça n’importe comment. Mais bon…tout ça méritait bien une pose de conn*rd.

Je suis pas mort. J'ai pas cassé la moto. WOUHOU!

A ce moment là, crevé, épuisé, vidé (je suis parti il y a plus de 7h), j’ai besoin d’une vraie pause…je me réfugie sous un morceau de toit qui dépasse un peu d'un petit bâtiment vide et fermé à double tour (oui, j'ai essayer d'entrée), histoire de prendre moins de flotte.

J'ai dit juste "moins"...

Je rigole toujours comme un con, mon esprit est un peu perdu dans ces paysages immenses et ces routes désertes. Puis ma tête va se mettre un peu à tourner. Là, ce n'est pas les paysages. C'est la faim. Je vais donc encore plus rigoler quand je vais me rappeler assez brutalement que : 1) J'ai rien mangé depuis le petit dej', 2) Je n'ai rien à manger sur moi, et je suis perdu au milieu de nulle part.

Et tout ça, mis bout à bout, c'est vraiment intelligent. *ahem*

Heureusement, un vague moment de lucidité me rappellera que j’ai dans mon sac des petites barquettes de confiture et de miel volées sournoisement le matin même à l’auberge (oui, en plus de défoncer les buffets au petit dej', je vole à manger)…

Mon état quand j'ai retrouvé les barquettes de confitures.  MOUH AH AH AH AH *rire sardonique*
Et vu la situation, je peux vous dire que c'est le genre de chose qui fait du bien ! Tout comme la clope laborieusement roulée avec une feuille partiellement mouillée (et ça, c'est un putain d'exploit, qu'on se le dise)!

Il est maintenant presque 17h30, je repars, à l’attaque du Stelvio….le sommet n’est que quelques centaines de mètres plus loin…ou peut-être quelques kilomètres, je ne me souviens plus trop…mais toujours des épingles, toujours de la pluie, et toujours plus de froid. 

Le gars vachement content de ses conneries!

Je suis alors à presque 2800m d’altitude, et j’ai les mains, et les pieds, frigorifiés. Pour les pieds je ne peux rien faire…mais pour les mains, j’ai ma paires de gants d’hiver. Elles sont tétanisées et trempées, mes mains, et je galère quelques minutes pour mettre ce qui ressemble plus aux moufles de Terminator qu'à des gants de moto…mais une fois cela fait, quel bonheur ! Mes mains sont au chaud et au sec !

Voilà l'été, voilà l'été, voilààààà l'été ho héééééé

Si le col du Stelvio est mythique, ce n’est pas pour la face que je viens de grimper, mais pour celle que je vais descendre…48 épingles des plus serrées et enchaînées sans temps mort. Cela se passera plutôt bien, mais me paraîtra interminable, et un peu irréel. Tout comme les paysages d’ailleurs…seulement je ne pourrais prendre de photos, l’appareil est totalement embué, tout comme mon smartphone.

De la buée à l'intérieur de l'objectif...SU-PER.

Arrivé en bas, je m'enquillerais les 15 ou 20 derniers kilomètres me séparant de mon hébergement comme un zombie, en pilote automatique. J’aurais tout de même assez d’énergie pour m’arrêter à l'épicerie du coin afin de me prendre de quoi me casser le ventre à moindre frais, mais surtout, me payer 2 grosses bières!

Et puis, après presque de 10 heurs de conduite, après avoir gravi 5 cols dans la pluie, le froid et le brouillard, arpenté des routes de folies entourées de paysages dingues…j’arrive enfin à mon auberge, exténué, vidé, trempé, frigorifié…mais heureux.

Vraiment heureux.

Avec le sentiment d'avoir vécu la journée la plus intense de ma vie, rien de moins!

Alors avec le recul, au final, tout ça n'est qu'un peu de moto avec un peu de pluie, et de beaux paysages, pas besoin d'en faire toute une histoire...mais quand on y est, avec en plus la fatigue, physique mais aussi nerveuse, la solitude, le bonheur d'évoluer sur sa moto dans ces endroits magiques, l'accumulation des choses,  c'est vraiment fou!! Quelle journée!

A cet instant, si l’on m’avait dit ce qu’il allait se passer le lendemain, je crois que, tout maso que je suis, je n’aurais jamais eu la force de repartir…car le lendemain, ce sera encore un grand moment ! Un autre grand moment de n’importe quoi ! 

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Vous pouvez retrouver une autre partie de ma production photo (Moto, motards, street, urbex et quelques paysages) ici:

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3 commentaires:

  1. super et votre histoire et les réflexions des personnes désagréable comme je le dit à ma fille il faut les ignorées même si cela n'est pas toujours facile. Mais dans tout les cas vous êtes une personne qui vie la vie a pleine dents et c'est le principal .Et vous avez de super copains qui on réagit à votre détresse et cela c'est génial!!!!!! . J'admire vos photos et vous pour vous en êtes sortie bravo!!!.

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  2. Récit palpitant s'il en est, mais aussi MDRRRRRRRRRRRR ! comme souvent, pour beaucoup de réparties et l'illustration de celles-ci. Ça me rappelle un peu mon arrivée aux 1er "Elefantentreffen" au Nurburgring, trempé jusqu'au os, dans 1m de neige, mais tellement content d'y être enfin !

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  3. COOL ! Super blog, et oui, les galères à bécanes sont ce qui en fait un loisir unique, permettant des aventures à chaque virages et le sentiment d'être un indiana Jones des temps modernes :) bonne continuation ! Tom. V

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